Epierre en Maurienne : textes et documents
Je vous propose le résultat de la collecte de tous les textes et documents que l'on peut trouver en ligne en rapport avec l'histoire d'Epierre. C'est un ensemble inégal et dispersé d'informations qui couvrent plus de cent pages, mais en se donnant la peine de le parcourir on en apprend plus sur l'évolution de la commune d'Epierre au fil du temps. J'ai classé les textes et documents dans un ordre chronologique au regard du contenu ou de la date d'édition, et un index en première page permet d'avoir une vue synthétique des titres et des auteurs.
Lien pour consulter le PDF de 109 pages sur Epierre : textes et documents https://drive.google.com/file/d/1S9-XDoV5eAppc85D2SXGR652xxK8jh1r/view?usp=sharing
Présentation des textes et documents sur Epierre
Le premier texte concerne le château d'Epierre, dont on ne connaît pas la date exacte de fondation, mais qui remonte au XIIe siècle. On y retrouve l'évolution des différents propriétaires, depuis la puissante famille noble de La Chambre, en passant par Gabriel de la Vill(i)ane dont on reparlera plus loin , et Emmanuel de la Ville qui finit par vendre le château à la commune en 1676. Par la suite, le bâtiment non entretenu s'est dégradé et il s'est progressivement transformé en ruine.
Pour collecter des informations sur la population d'Epierre et faire des recherches généalogiques, la consultation des registres paroissiaux des baptêmes, mariages et sépultures, disponibles en ligne auprès des Archives départementales de la Savoie, est incontournable. Les premiers registres disponibles dans le diocèse de Maurienne remontent à 1622. Ils sont tenus en latin pas le curé ou le vicaire de la paroisse. A titre d'illustration, j'ai sélectionné deux actes : le premier concerne le baptême le 29 avril 1629 de Pernette fille de noble Gabriel de la Villane, baron d'Epierre, procureur de La Chambre et qui hérite conformément à la coutume du prénom de sa marraine, Pernette épouse du notaire Montallier de la paroisse voisine de La Chapelle. Cet acte est renseigné par le Révérend Dominique Grange, premier curé d'Epierre à tenir les registres paroissiaux qui nous sont parvenus depuis 1622. Celui-ci probablement âgé ou malade cesse d'exercer son sacerdoce après mai 1629, il est alors remplacé provisoirement par l'économe Étienne Torna qui tient les registres pendant une année et rédige son acte de sépulture le 15 févier 1630, second acte que vous pouvez découvrir avec les autres enterrements de la période. Il faut savoir que contrairement aux registres d'état civil, les registres paroissiaux ne sont pas tenus sur une année calendaire, mais de début mai à fin avril de l'année suivante. Pour avoir un vision d'ensemble de la population d'Epierre au XVIIe siècle, je me suis lancé dans la collecte systématique de tous les actes d'Epierre et leur inscription dans mon arbre généalogique en ligne sur le site Geneanet et vous pouvez aussi consulter l'article de ce blog consacré au recensement de population issu du rôle fiscal de 1688.
Le troisième document présenté concerne une magnifique carte topographique sur les environs d'Epierre tirée d'un ensemble consacré à la route de Chambéry à Turin passant par le Mont-Cenis. Ce document produit par l'ingénieur topographe Marchetti en 1781-1782 permet de découvrir le tracé de l'Arc (avec le Pont de Bois qui le traverse pour rejoindre Saint-Pierre-de-Belleville), les différents éléments des reliefs et cultures et les villages de la paroisse d'Epierre (depuis le hameau du Collombet au sud à proximité de la paroisse de la Chapelle, en passant par Le Tardy, Le Mollard (Moulard), Le Martinet, Le Moulin de la Fabrique, Le Moulin, l'Estraz, Le Château et l'église paroissiale, pour rejoindre tout au nord le hameau du Mont, près de la paroisse d'Argentine).
Pour approfondir le sujet vous pouvez lire l'article remarquable du géographe Henri Onde (1900-1990) sur La route de Maurienne et du Cenis de la fin du XVIIIe au milieu du XIXe siècle, publié en 1932 dans la Revue de Géographie Alpine. L'article complet fait 75 pages, je n'ai sélectionné et reproduit que les passages concernant Epierre, mais le tout est disponible en ligne.
Le document suivant traite d'une façon générale des Métiers et industries en Savoie. Extrait des Actes du Congrès des sociétés savantes de Savoie publiés en 1974, la fin de l'article concerne la Compagnie de Bonvillard qui exploitait un fourneau à Epierre destiné à fondre le fer. Il y est exposé les apports techniques et les difficultés financières de la Compagnie de 1786 à sa dissolution en 1807.
Il est ensuite question de deux comptes rendus du livre titré Les carnets de François Molin. Un prêtre dans la tourmente (1792-1802). Il s'agit de l'édition par l'historien Christian Sorrel des notes de François Molin né à Lanslebourg en 1752, curé d'Epierre de 1781 à sa mort en 1835. " L’intérêt documentaire de ce témoignage concerne avant tout la vie religieuse dans la vallée de la Maurienne sous le Directoire et le Consulat."
Le tableau chronologique suivant ne fait qu'évoquer les combats qui se sont déroulés à Epierre et Belleville les 13-14 septembre 1793, quand l'armée française, dirigée localement par le Commandant Ledoyen, chasse des hauteurs de Belleville les troupes savoyardo-piémontaises. (1)
(1) Pour connaître les détails historique de l'invasion française de la Savoie déclenchée le 21 septembre 1792 et de la contre-offensive sarde en août 1793, vous pouvez consulter Histoire de la Savoie, Henri Menabrea, 1960. Édition de La Fontaine de Siloé de 2017, pages 435 à 457.
Le texte suivant reproduit le Chapitre I de l'ouvrage Voyage en Italie, publié en 1841, mais effectué à partir du 28 mai 1796 par le savant André Thouin envoyé en expédition avec plusieurs autres collègues par le Directoire pour "aller visiter et recueillir, dans les pays conquis en Italie par les armées françaises, les monuments d'arts et de sciences dignes d'entrer dans nos musées. L'économie rurale et le jardinage étaient particulièrement l'objet de sa mission". On y trouve un témoignage précis des paysages et des villages traversés depuis Pont-de-Beauvoisin en Isère jusqu'à Suze en Piémont. Concernant le village d'Epierre, notre savant observe la présence dans les vallées de grandes cultures de chanvre et un exploitation de la moindre parcelle cultivable sur de très petites surfaces, le tout produisant un faible rendement. " Il en résulte que (la) population, au moins pour les neuf dixièmes, est pauvre et misérable ; qu'une grande partie sont obligés de s'expatrier pour faire vivre leur famille." Il signale également à proximité du village des activités industrielles : une chute d'eau qui fait mouvoir des usines et une forge qui produit un fer de bonne qualité ; ainsi que la présence d'activités pastorales : "tous les lieux élevés voisins de cette chute d'eau sont couverts de vaches, de chèvres et de moutons". Après un description bucolique et savante de la flore, une dernière phrase achève le constat social négatif porté sur le territoire : "les crétins et encore plus les goitreux abondent dans ces vallées".
Les deux extraits qui suivent sont de la même veine que le texte précédent, mais sont rédigés une dizaine d'années plus tard à l'époque de l'empire napoléonien, l'un en 1806 par Jean-François Albanis Beaumont dont le titre secondaire est Tableau historique et statistique de la Savoie, et l'autre en 1807 par Joseph Verneuil Puiraseau qui porte sur le Département du Mont-Blanc dont il fut préfet. Dans les deux cas le tableau humain dressé est sombre : "Epierre n'est qu'un petit village mal bâti et sans commerce" et "les environs de la Chapelle offrent l'aspect de la tristesse et de la désolation, on y voit que des hommes au teint livide et jaunâtre, ainsi qu’une quantité de crétins hideux qui inspirent la pitié et l'effroi". Par contraste plus en amont, la bassin de la Chambre est qualifié de "charmant" et "agréable". Cependant sur le plan des activités économiques, le texte de 1807 analyse le renchérissement du prix de la fonte favorable aux fonderies, dont l'un est présente à Epierre ; et témoigne de l'importance de la route d'Italie qui est desservie par quinze relais de poste, dont l'un se situe à Epierre.
Un petite biographie concerne Joseph Antoine Balmain (1774-1830), maître de forges et maire d'Epierre à la fin de l'époque napoléonienne puis à l'époque sarde. Le texte sur le Conseil général du département du Mont-Blanc signale qu'il a été désigné membre de cette institution le 22 décembre 1809.
Deux avis publiés dans le Journal de Savoie concernent la commune d'Epierre au début des années 1820. Le premier porte sur le renouvellement du bail des Usines et Ruraux appartenant à la commune. L'intérêt du document se situe dans le détail des installations, des bâtiments, et terrains mis à disposition de l'adjudicataire. Le second est consacré à "l'adjudication provisoire des travaux urgents en reconstruction du pont en bois sur la rivière d'Arcq". Il illustre le combat permanent des autorités contre les destructions engendrées par la violence des crues du torrent. Ce pont en bois est un ouvrage stratégique car il permet le transport vers les hauts fourneaux d'Epierre du charbon de bois et du minerai de fer extrait de la mine de Saint-Georges-d'Hurtières.
Les informations sur Epierre tirées du Glossaire du haut fourneau de l'association Savoir...Fer donnent un aperçu historique de cette activité industrielle signalée sur le territoire depuis le XIe siècle.
Le pont en bois d'Epierre est dessiné par Eugène Ciceri (1813-1890), peintre et illustrateur qui fait partie des artistes voyageurs. L'illustration fait partie d'une série de 33 vues publiées en 1857 sous le titre Excursions pittoresques sur le chemin de fer Victor Emmanuel. Il faut rappeler combien le développement du réseau ferré constitue une révolution des transports à cette époque en Europe. La Compagnie du chemin de fer Victor-Emmanuel était une société anonyme sarde créée en 1853, le siège social était fixé à Chambéry, et ses bureaux à Paris. Dans un premier temps la Compagnie obtient une concession pour réaliser un chemin de fer de 85 km d'Aix-les-Bains à Saint-Jean-de-Maurienne, via Chambéry. La ligne est mise en service le . Epierre obtient la construction d'une gare, alors qu'elle avait été promise à Saint-Léger en compensation des pertes de terrain que la rectification du cours de l'Arc avait occasionné. En 1859, la Victor-Emmanuel est utilisée pour le déplacement des troupes françaises qui vont, avec les Piémontais, vaincre les Autrichiens le à la bataille de Magenta. En retour, Le roi Victor-Emmanuel cède le duché de Savoie et le comté de Nice à la France le qui fait valider l'Annexion par referendum. La Compagnie du chemin de fer Victor-Emmanuel cède alors à l’État français les sections construites ou à construire situées sur le nouveau territoire français, l’État les rétrocédant à la compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM).
C'est en 1857 que la commune d'Epierre décide de construire une nouvelle église plus vaste, plus belle et plus proche du centre de la paroisse. Les travaux commencent en 1859, la réalisation est de style néogothique et elle est consacrée sous le vocable de l'Assomption le 20 octobre 1867. Pour plus de détails consultez le site de la commune epierre.fr.
Le Guide de l’Étranger dans les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie publié en 1861 par le préhistorien Gabriel de Mortillet fournit une description des paysages que rencontre le voyageur qui emprunte la ligne de chemin de fer qui va d'Aiguebelle à La Chambre en passant par Epierre.
Le texte suivant est extrait de la Monographie de la Basse-Maurienne en Savoie, rédigée en trois parties, et publiée de 1860 à 1863 par l'érudit Camille-Gabriel Foray, membre de la Société d'histoire et d'archéologie de la Maurienne et natif de Saint-Alban-d'Hurtières. En bon connaisseur des lieux, l'auteur fournit de précieuses informations historiques et généalogiques. Les quelques pages consacrées à Epierre, rappellent que la commune a acquis le haut fourneau et les usines de la combe du Plan-du-Tour dès 1676 et qu'elle a complété cela pas d'autres acquisitions en 1785 auprès de la famille Salomon. L'administration communale construisit de nouvelles usines et les acensa, avec les anciennes usines, à la Société métallurgique de Bonvillard en 1787 pour une durée de 25 ans. L'auteur souligne que le développement de cette activité industrielle a procuré d'importantes ressources à la commune et a permis à ses habitants de ne pas payer d'impôts. Il insiste sur la tradition locale de l'industrie de la clouterie, et sur ses effets démographiques à travers l'implantation d'étrangers en provenance en particulier des régions de Bourgogne et du Dauphiné du royaume de France. Il en résulte à Epierre une plus grande diversité de patronymes par rapport aux communes voisines.
Le baron Achille Raverat (1812-1890), homme de lettres, a beaucoup voyagé " le sac sur l'épaule et le bâton ferré à la main " dans les régions de Lyon et des Alpes. Il a publié en 1872, Savoie : promenades historiques, pittoresques et artistiques. Il ressort de ses nombreuses randonnées de riches observations sur les hommes et les territoires parcourus. J'ai sélectionné un passage consacré à l'activité des bergers dans le cadre de la transhumance des troupeaux de moutons depuis la Provence, et celle des charbonniers issus le plus souvent des vallées protestantes du Piémont. Plus directement en rapport avec notre sujet, on lira avec intérêt la description des villages du bassin d'Epierre, et on retiendra en particulier le rappel des traditions religieuses et festives autour du Temple, petit édifice en ruines à proximité de l'ancien prieuré de Saint-Jacques situé sur la commune de Saint-Pierre-de-Belleville. Enfin, toujours dans une perspective d'histoire religieuse, un extrait est consacré aux redevances que les paroissiens devaient à leur curé.
Autre contribution importante, le compte rendu des conférences données sur le terrain lors d'une excursion à Epierre effectuée le 12 juin 1901 par vingt-cinq membres de la Société d'histoire et d'archéologie de la Maurienne et dirigée par le président de cette association en la personne du chanoine Saturnin Truchet (1828-1904). Avec beaucoup d'érudition, on nous rapporte les propos de ces différents savants sur l'histoire du pays, la conformation géologique et l'importance stratégique des lieux. Il est question successivement du hameau du Mont qui a joué plusieurs fois un rôle dans l'histoire militaire de la Maurienne ; de l'étymologie du mot Hurtières, qui désigne le plateau situé sur la rive gauche de l'Arc, et dont deux origines sont proposées : pays des orties ou pays des brebis ; de l'historique du prieuré de la Corbière (pays des corbeaux) ; des différents matériaux géologiques (alluvions modernes, schistes et gneiss) ; des combats qui se sont déroulés dans la zone en septembre 1793 entre les Français et les Piémontais ; de l'évolution des propriétaires et de la structure du château d'Epierre depuis le XVe siècle. Le tout est accompagné d'un intéressant croquis à l'échelle 1/40 000 désignant les lieux visités, la topographie et la géologie, ainsi que de photos du château qui traduisent son état de ruine.
Les trois documents suivants datent de la première partie du XXe siècle et contiennent un savoir universitaire publié dans des revues spécialisées. Je n'ai sélectionné que les passages en rapport avec la commune d'Epierre, mais la lecture complète des articles en ligne permet de se faire une idée plus large des évolutions observées en Maurienne ou en Savoie. Le premier article est celui de la géographe Jeanne Folliasson, intitulé Mouvement de la population en Maurienne au XIXe siècle, il a été publié pendant la Première Guerre mondiale en 1916. On y apprend qu'Epierre est classé dans les communes industrielles de la Basse-Maurienne. Les variations de la population mesurées par les recensements de 1801 à 1911 sont reliées aux évolutions économiques locales, et celles-ci expliquent la progression considérable observée : " En effet, sur 1801, Epierre a augmenté de 282 habitants, réalisant ainsi une progression de 81 %. On y constatait au commencement du siècle 19 h. 4 par kilomètre carré, il y en a actuellement 35,2".
Le second article de l'abbé François Gex édité en 1928 est extrait de La Population de Savoie de 1921 à 1926. On y retient que les communes de la Basse-Maurienne sont frappées sur la période par un important exode de population mais "Epierre seul gagne +56 (habitants grâce) à son usine de phosphore héritée de la Pomblière de Saint-Marcel."
Le troisième article publié en 1942 par le géographe Henri Onde est intitulé La nature du peuplement en Maurienne et en Tarentaise. Les hommes et les types humains. Le tableau proposé est très savant, il traite des anciens droits féodaux dont Epierre s'est libéré en partie dès 1676 et d'une façon complète en 1771. Il souligne l'importance des communaux possédés par la commune qui lui ont procuré d'abondantes ressources, ce qui constitue une exception par rapport aux autres communes de la Basse-Maurienne, moins bien dotées et et donc relativement plus pauvres, situation que révèle d'ailleurs leur moindre imposition d'après des données de 1696. Il revient sur le poids du crétinisme et du goître dans l'accroissement local de la mortalité et souligne combien "la construction des voies ferrées a eu (...) un effet salutaire sur l'habitat de fond en faisant surgir des quartiers neufs autour des gares".
Pour terminer cette revue documentaire, on ne peut que conseiller la lecture de l'article de synthèse sur Epierre rédigé par l'archiviste Philippe Paillard et publié en 1983 dans Histoire des communes savoyardes.
Enfin deux ouvrages permettent d'aller au-delà de l'histoire d'Epierre. Il s'agit du livre Maurienne et Tarentaise. Les destinées des hautes vallées de Savoie, publié en 1986 par l'universitaire Pierre Bozon ; et plus récemment en 2008, le tome 1 de l'ouvrage collectif 1000 ans d'histoire de la Savoie qui est consacré aux communes de Maurienne.
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