Les FECEMAZ de Beaune dans les comptes de la châtellenie de Maurienne de 1266 à 1430

 

L’ensemble de cet article est totalement redevable aux travaux menés par l’historien Jean-Pierre DERRIER sur les comptes de la châtellenie de Maurienne. Je le remercie très chaleureusement pour m’avoir autorisé à utiliser et publier les informations tirées du remarquable moteur de recherche qu’il a créé.

La châtellenie de Maurienne était une circonscription féodale située dans la partie moyenne et haute de la vallée de l’Arc. Elle comportait une quarantaine de paroisses administrées par un châtelain nommé par le comte de Savoie, à partir du XIIIe siècle (1). Le châtelain y exerçait des fonctions militaires, administratives et judiciaires. Il produisait deux sortes de comptes : les comptes de subsides qui étaient des états des impositions levées à l'occasion des dépenses extraordinaires et les comptes de châtellenie qui enregistraient les recettes et les dépenses ordinaires. Les comptes de châtellenie sont généralement conservés sous la forme de feuilles de parchemin cousues bout à bout et rassemblées en rouleaux, dont la longueur peut atteindre plusieurs dizaines de mètres (2) (3).

Source : Carte féodale de la Maurienne au XVe siècle, article de Gabriel Pérouse (1871-1928), archiviste départemental de la Savoie. Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie. Édition 1930, Tome 67, p. 67-79. En ligne sur Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5734530m/f89.item.r=pérouse

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Notes :

(1) Châtellenie de Maurienne, article dans Wikipédia.

(2) Inventaire-index des comptes de châtellenies, Archives départementales de la Savoie.

Le plus ancien compte de la châtellenie de Maurienne remonte à 1266, période du règne de Pierre II de Savoie, dit « le Petit Charlemagne », né en 1203 et comte de Savoie de 1263 à 1268. Il s’est inspiré de ce qu’il a observé à la cour d’Angleterre pour moderniser l’administration de ses terres.

(3) « La Maurienne de la fin du XIIIe siècle au travers des premiers comptes de châtellenie », Fabrice MOUTHON. Enregistrement audio de la conférence SHAM du 12 février 2020 (1h 14 mn 53 s) : Écouter  www.sha-maurienne.fr

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La paroisse de Beaune, d’une altitude d’environ 1350 mètres, située au-dessus de Saint-Michel-de-Maurienne, faisait partie de la châtellenie de Maurienne. Les recherches généalogiques menées à partir des reconnaissances passées du XIVe au XVIe siècles et de la consigne du sel de 1561, ont montré que Beaune est le berceau du patronyme FECEMAZ. Le moteur de recherche dans les comptes de la châtellenie, créé par l’historien Jean-Pierre DERRIER, permet d’extraire de précieuses informations pour compléter et remonter dans le temps les connaissances généalogiques.

Sur les 145 comptes de la châtellenie de Maurienne couvrant une période de 164 années allant du 12 juin 1266 au 8 janvier 1430, le patronyme des FECEMAZ de Beaune apparaît 88 fois dans 64 comptes sous des formes très différentes :  28 fois avec l’orthographe FECEME ou FECEMA (1 fois) - c’est la forme la plus fréquente qui s’imposera au cours du temps avec l’ajout d’un z final qui ne se prononce pas - ; vient ensuite 12 fois FESTENIE et 2 fois pour chaque variante FESTENIA et FESTINIE. On peut se demander si FESTENIETI (1 fois), FESTINIETI (4 fois), FESTEMETI (3 fois), FESTIMETI (2 fois) ne sont pas des diminutifs du type FECEMAZ le jeune. Un châtelain en 1372-1373 a opté pour la variante FESTEMEZ (4 fois). On trouve aussi 6 fois des variantes avec FECZANA, FECZENE, FECZENIA, FECZENNE, FECZMA. La version unique FECUNETI est plus incertaine, il y a aussi 1 fois FEZEMETI en 1389-1390. En fin de période (1429-1430) on rencontre les variantes : FACEMA (3 fois) et FACEME (5 fois).  Il a également été retenu 9 fois AYMON qui est un alias de FECEMAZ, mais par 2 fois il y a incertitude, car il est difficile de savoir s’il s’agit du nom ou du prénom AYMON. Il ne faut pas être surpris par cette diversité d’écriture, il y a des difficultés de lecture et de transcription des documents, mais c’est surtout l’orthographe des noms de famille qui reste instable jusqu’à la fin du XIXe siècle. Sur l’époque étudiée, ils sont prononcés oralement en patois (francoprovençal, appelé aussi arpitan) et transcrits par écrit en latin par les châtelains successifs, en fonction de ce qu’ils entendent (4).

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Notes :

(4) Les noms savoyards, article en ligne sur Geneanet https://www.geneanet.org/nom-de-famille/articles/les-noms-savoyards

Le patronyme FECEMAZ est peut-être lié au prénom féminin Fecema dont j’ai trouvé trois exemples historiques aux Xe et XIe siècles : d’après le cartulaire de l’abbaye de Savigny dans le Rhône, en 933, an 10 du roi des Francs, Rodolphe, Benoît et sa femme Fecema font le don d’une petite parcelle de terre ;  en 1027, Aynard, seigneur de Domène, et sa femme Fecema font un don à l'abbaye bourguignonne de Cluny pour la fondation d’un prieuré ; une noble dame nommée Fecema, vers 1080, se retire comme religieuse à Longchamp après avoir donné les dîmes de deux églises à Saint-Pierre de Mâcon et à Longchamp même.

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Les lieux d’origine des FECEMAZ ne figurent pas toujours dans les comptes à la suite du patronyme, mais la rareté de ce nom de famille permet d’avancer qu’il est concentré sur Beaune aux XIIe et XIIIe siècles. Il est possible cependant que des femmes FECEMAZ se retrouvent par mariage vivre sur les paroisses voisines comme Le Thyl, Saint-Martin-la-Porte ou Saint-Michel-de-Maurienne. Dans l’ouvrage sur la Savoie médiévale de l’historien Fabrice Mouthon (5), on apprend qu’au niveau de l’habitat, il s’agit d’un « pays de hameaux ». Le cadre de la vie rurale s’organise progressivement autour de la paroisse (parrochia) composée de plusieurs villages. « Au début du XIe siècle, une villa est vue comme le territoire d’un village pourvu d’une église, alors qu’un villarium est un hameau sans lieu de culte paroissial. (…) Au XIIIe siècle, en effet, la plupart des lieux aux noms formés sur Villards et sur Monts, qualifiés auparavant de villaribus, c’est-à-dire de hameaux, sont désormais désignés dans les textes comme villa, c’est-à-dire comme village important. En revanche seule une minorité d’entre eux accède au statut de chef-lieu paroissial. » Dans notre étude, l’extrait de compte signale parfois qu’il s’agit d’un FECEMAZ de Beaune, en précisant qu’il s’agit du village du Mollard. Ce village, berceau de la famille, est mentionné par la suite dans les reconnaissances individuelles des XVe et XVIe siècles. Les autres villages de Beaune, Villard-Putier, Villard-Zembrun, Plan-Villard et le village de l’Église, n'apparaissent pas dans les comptes associés aux FECEMAZ. Il en est de même des structures économiques plus petites constituées par les manses et les chavanneries (6).

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Notes :

(5) Savoie médiévale, naissance d’un espace rural (XIe-XVe siècles), Fabrice MOUTHON, L’Histoire en Savoie n° 19, 2010. Éditions de la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie, pages 28-30.

(6) « De leur côté, les seigneurs, désireux de rationaliser la gestion de leurs possessions souvent très éclatées, créent leurs propres cadres à l’intérieur des paroisses et des villae. (…). Par souci d’efficacité, les seigneurs y découpent de nouvelles exploitations, plus cohérentes, soumises à des redevances et à des corvées assez lourdes et les confient à des familles de paysans, parfois d’anciens esclaves. Ainsi seraient nés les manses et les unités plus petites qui en sont issues, les chavanneries. » Fabrice MOUTHON, pages 32-33.

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Si l’on s’intéresse aux motifs de perception des recettes, on retiendra que sur les 64 droits perçus, on trouve 1 fois un droit sur l’avoine (avena), 8 fois le droit de ban (banna) qui sont le plus souvent des amendes. La perception de deniers de cens (denarii census) est fréquente avec 15 opérations. Le droit d’échute (echeyte) et le droit d’introge (investiture) ne figurent qu’une fois chacun, car il s’agit de recettes ponctuelles liées à un décès ou à l’entrée dans la vie active. Le droit de garde se retrouve 3 fois. Les droits de mutation (laudes et vende) sont les plus présents avec 21 opérations, car les seigneurs autorisent la vente des terres par leurs tenanciers. C’est ainsi que se constitue progressivement un marché foncier, cependant les Fecemaz de Beaune sont des paysans pauvres, et ils ne font que quelques opérations foncières dans leur vie. Il y a également des impôts perçus irrégulièrement : les subsides qui sont des droits exceptionnels figurent 9 fois, la taille 4 fois et enfin le treizième 1 seule fois. Ces prélèvements fiscaux ne sont pas toujours bien acceptés par les communautés montagnardes, les travaux de l’historien Michaël Gelting dans les archives administratives savoyardes donnent l’exemple d’une révolte à Saint-Michel-de-Maurienne contre le subside de 1331 (7).

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Notes :

(7) On distingue des droits prélevés sur la terre et des droits prélevés sur les hommes :


·        Albergement : contrat de location au minimum de neuf ans, mais en fait traditionnellement perpétuel. Il est transmissible par droit de succession. Il comprend plusieurs parties : l’introge ou entrée en possession, le servis ou redevance annuelle et laod ou droit de mutation.
·        Ban : le droit de ban appartient au seigneur (comte ou vicomte de Maurienne). Cela lui confère une véritable autorité publique (droit d’ordonner, de contraindre, de punir). C’est surtout un monopole économique sur l’exploitation (on afferme ce bien) des cours d’eaux, des forêts domaniales, du four et du moulin.
·        Cens ou servis : redevance annuelle due par l’albergateur (fermier). Les servis peuvent être réglés en nature ou en argent. Ils sont dus le plus souvent à la Saint-André (30 novembre) ou à la Saint-Michel (29 septembre).
·        Echute : droit en vertu duquel l’héritage d’un homme taillable décédé sans héritier direct revenait au seigneur.
·        Florin : monnaie ayant cours en Savoie jusqu’en 1717, date à laquelle il est remplacé par la livre.
1 florin = 12 sous et 1 sous = 12 deniers
·        Introge : droit d’entrée payé lors de l’investiture d’un nouveau tenancier.
·        Laods ou lods : droit de mutation payé au seigneur lors d’une vente d’un bien albergé ou de l’utilisation de biens appartenant en monopole au seigneur.
·        Taille : impôt qui à la fin du XIIIe siècle en Savoie frappe la majorité de la population rurale « à miséricorde » , c’est-à-dire à la volonté du seigneur quant à sa périodicité et à son montant.
·        Trezenum : la douzième partie du prix de vente, qui est payée au seigneur en tant que redevance, ou la faculté de vendre accordée au vassal ou au tenancier.

Source des définitions : 1000 ans d’Histoire de la Savoie, La Maurienne, sous la direction de Bernard DEMOTZ. Éditions Cléopas, avril 2008, glossaire pages 838 et suivantes.

Pour plus de détails sur l’introduction et le développement de ses droits par la seigneurie consultez l’ouvrage de Fabrice MOUTHON pages 14-15. Pour l’opposition à la levée du subside, pages 68 et 72.

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Il n’est pas possible d’expliquer la répartition dans le temps des droits perçus, on ne peut que constater leur variation. On comptabilise seulement 5 droits de 1278 à 1311 (33 années), il y a ensuite une lacune de 1311 à 1328. Il y a un total de 30 droits de 1328 à 1373 (45 années) avec des fréquences allant de 2 à 6 droits. Après une lacune de 10 années de 1375 à 1385, on recense seulement 10 droits de 1385 à 1417 (32 années). Enfin, après une nouvelle lacune de 12 années, de 1417 à 1429, on trouve une concentration de 19 droits perçus sur l’année 1429-1430. L’événement historique marquant de l’époque, constitué par la Grande Peste de 1348, n’est pas visible dans ces extraits de comptes. Il faut cependant bien garder à l’esprit ce contexte historique qui divise la période étudiée en deux temps bien distincts : de 1266 à 1348, un temps de croissance économique et démographique, de 1348 à 1430, un temps de déclin démographique et de difficultés liées au retour récurrent des épidémies de peste (8).

J’ai renoncé à calculer en deniers le montant des droits perçus sur une aussi longue période de temps (152 ans de 1278 et 1430), car le système monétaire est trop complexe, avec de multiples taux de conversion instables, ce qui fausse les comparaisons dans le temps.

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Notes :

(8) « La vie en Maurienne au XIVe siècle, entre prospérité économique et pandémie », Jean-Pierre DERRIER.

Enregistrement audio de la conférence du 13 avril 2022 (1:1:37) : [ fichier audio ].

Vous pouvez suivre la conférence en images en téléchargeant préalablement le diaporama associé : [Diaporama]

Cette conférence reprend une partie des travaux effectués dans le cadre d'une thèse de doctorat en cours dont l'intitulé est : « L'organisation spatiale de la vallée de la Maurienne depuis son intégration dans le royaume franc au VIe siècle jusqu’au début du XVe siècle ».

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Accessoirement dans cette étude, on peut aussi montrer que les 64 droits perçus auprès des FECEMAZ de Beaune de 1266 à 1430, l’ont été auprès de 15 des 43 châtelains de Maurienne qui se sont succédé sur la période. On observe que la durée des comptes est le plus souvent de 365 jours, mais ne commençant rarement le 1er janvier, les comptes sont à cheval sur deux années. Sur notre échantillon, 5 comptes ont une durée inférieure à 365 jours, la plus courte étant de 169 jours, peut-être en raison du décès du châtelain ou de son remplacement. À l’inverse, trois comptes dans notre étude s’étalent sur deux années (715 et 730 jours), voir pour le plus long sur trois années (1096 jours du 15/04/1389 au 15/04/1392).

Au niveau des individus de la famille FECEMAZ, une même personne peut apparaître dans plusieurs comptes et inversement un même compte (une opération donnant lieu à une recette pour la châtellenie de Maurienne) peut concerner plusieurs membres de la famille FECEMAZ. Dans le cadre de cet article, il serait lourd et fastidieux de présenter, une par une, l’intégralité des 64 opérations enregistrées dans les comptes sur une période de 164 années et qui concerne 6 générations de FECEMAZ. Je vais m’efforcer de synthétiser les apports essentiels des comptes en tant que nouvelle source d’informations de l’approche généalogique. Cet apport est conséquent, car sur les 32 individus identifiés, 25 sont inconnus des sites généalogiques, soit 78,1%.

Les deux plus anciennes écritures concernent des droits de lods et ventes de 50 sols perçus pour des biens achetés lors de la succession d’ « AYMON de Beaune » en 1278-1279 (SA 15974) et de 13 sous et 6 deniers pour la vente d’un pré par la fille d’ « AYMON de Beaune » en 1284-1285 (SA 15975). Le montant de la vente étant quatre livres et dix sous, en convertissant les monnaies, on constate que le prélèvement fiscal est de 15%. Il y a cependant incertitude sur l’individu, car il n’est par précisé que cet AYMON est le prénom ou le surnom d’un FECEMAZ.

Si l’on exclut la veuve d’AYMON de Beaune et sa fille, les comptes de la châtellenie de Maurienne permettent de repérer 30 FECEMAZ et alias AYMON sur une période allant de 1294 à 1430, dont 24 hommes et 6 femmes (3 épouses et 3 filles). Dans une société patriarcale, il est logique de constater un déséquilibre entre les sexes au niveau des informations obtenues dans les comptes : l’homme est le chef de feu et la femme n’apparaît que ponctuellement en tant qu’épouse ou fille, elle ne devient chef de feu que quand elle est veuve (9).

Bien que l’échantillon soit de petite taille, on retrouve les grandes tendances de l’époque au niveau des prénoms des FECEMAZ de Beaune. Le trio de tête chez les hommes est constitué par Pierre (7 individus), Jean (6 individus) et Guillaume (5 individus). Viennent ensuite deux autres classiques : Michel (2 individus) et Jacques (1 individu). Aymon (2 individus) est plus caractéristique du Moyen Age, on ne le retrouve plus ensuite chez les FECEMAZ. Il en est de même pour le prénom latin Ponce (1 individu), avec le cas similaire chez les femmes de Pace (1 individu) (10). Chez les femmes Marguerite domine (3 fois), soit la moitié du petit groupe de 6 femmes, viennent ensuite deux prénoms classiques, Catherine et Michelette.

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Notes :

(9) La notion de feu désigne le foyer fiscal au Moyen Age. Il s’agit de toutes les personnes vivant sous un même toit. Son chef est généralement le père de famille, le schéma dominant étant celui de la famille étroite associant le couple à ses enfants mineurs. 1000 ans d’Histoire de la Savoie page 840 et Fabrice MOUTHON page 82.

 

(10) Il y a quelques exemples d’individus portant le prénom Ponce à Beaune et sur d’autres paroisses sur la période étudiée, en revanche il semble que Pace soit unique.

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Les trois plus anciennes écritures dans les comptes concernant les FECEMAZ portent sur des droits de mutation (lods et ventes). La première concerne l’acquisition d’un pré, on la trouve dans le compte du châtelain Guillaume REYNARD dressé du 16/05/1294 au 18/04/1295 (SA 15978) : « Sur les 6 sols reçus de Jean FECEMA de Beaune pour le pré acheté à Palmerius BERNERI au prix de 40 sols ». Le prélèvement fiscal représente toujours 15% du prix de l’opération. D’un point de vue généalogique, on ne sait rien de Jean FECEMAZ 1 (11), car on ne dispose pas d’autres informations sur lui. Pour faire une acquisition, il ne s’agit pas d’un jeune homme. Si on suppose qu’il a environ 35 ans, cela donne une année de naissance vers 1260. 

Entouré en vert: « De VI solidis receptis de Iohanne/ Fecema de Beuna pro prato empto a Palmerio Bernerii precio quadraginta solidorum./ »  Source : Archives de Savoie, SA 15978 vue 9/16.

En simplifiant la présentation, retenons que vers 1298, Ponce FECEMAZ fait une acquisition pour 20 sols, et vers 1310 Pierre FECEMAZ 1 achète un terrain pour 30 sols, à chaque fois avec un droit de 15%. On suppose qu’ils sont nés à Beaune vers 1270 et 1275, mais sont-ils des jeunes frères de Jean FECEMAZ 1 né vers 1260 ? Des cousins ? Il est impossible de répondre.

Dans la seconde génération, Jean FECEMAZ 2 né vers 1300, est le plus présent dans les comptes avec 6 droits payés de 1328 à 1347. Le premier en 1328 est un droit de ban, ici une amende de 10 sols « de l'épouse de Jean Festerna (FECEMAZ), pour des paroles injurieuses prononcées contre Guillaume LUCIANE (12) ». Il ne faut pas le confondre avec Jean FECEMAZ 3 né vers 1305, dont le patronyme FESTINIETI qui se distingue de FESTENIE est peut-être un diminutif signifiant FECEMAZ le jeune. Ce dernier est probablement décédé avant 1356, car un droit de mutation est payé à cette date par son épouse Marguerite du Mollard de Beaune et ses deux filles Marguerite et Pace, dont on suppose qu’elles sont nées vers 1325.

Figure ensuite 5 fois, dans les comptes de 1329 à 1341, Pierre FECEMAZ 2 né vers 1300 et dont on ne connaît pas la filiation. 1341 est l’année d’un droit d’échute qui montre qu’il est décédé vers la quarantaine sans héritiers directs. Evoquons également Pierre FECEMAZ 3 (FESTIMETI et FESTIMIETI pour le jeune ?) qui figure dans 4 comptes de 1331 à 1358. On suppose qu’il est né vers 1305 et on ne connaît pas sa filiation. La fixation de son année de naissance est calée sur le subside de 1331 (13) qu’il paye comme quatre autres FECEMAZ et son décès est postérieur à un droit de mutation qu’il règle en 1358.

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Notes :

(11) J’ai adopté une numérotation chronologique des individus portant le même prénom pour les distinguer. La multiplicité des Pierre, Jean et Guillaume a rendu particulièrement difficile l’identification individuelle et des erreurs de classement ont pu se glisser.

(12) Il s’agit vraisemblablement de noble Guillaume LUCIANE, seigneur de Saint-Michel, fils de Jacques MARESCHAL. Source : Grand armorial de France (vol. 4), Société du Grand armorial de France, 1939 p. 526.

(13) « Les comptes de subsides étaient des états des impositions levées à l'occasion des dépenses extraordinaires : guerres, acquisitions de seigneuries importantes, mariages princiers, événements politiques importants, projets de nature économique, etc. A partir de 1331, les subsides se généralisent dans les domaines de la Maison de Savoie, et l'habitude de les lever de plus en plus fréquemment se répand ensuite en Faucigny, puis en Genevois. Un des intérêts majeurs de ces documents est de comporter des listes de « faisants feux », utiles à la démographie. Cependant, seuls sont consignés les noms des chefs de famille non nobles ou clercs, exemptés. Les pauvres, par contre, bien qu'exemptés du subside, y sont mentionnés. »

Source : SA - Comptes des châtellenies, des subsides, des revenus et des judicatures. Archives de Savoie.

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Légende des couleurs du graphique : en vert foncé les ascendants directs connus sur Geneanet, en jaune les collatéraux connus, en vert clair les FECEMAZ inconnus sur Geneanet, en orange clair les AYMON.

Si l’on s’intéresse à mes ascendants directs (en vert foncé), le plus ancien connu est Guillaume FECEMAZ 1, né vers 1300 (génération 2, son père est inconnu), il figure dans deux comptes. La perception de 3 deniers de cens en 1335 montre qu’il est le frère de Pierre FECEMAZ 2 (ca 1300 - ca 1341) cité plus haut. En 1356-1357, Jean FECEMAZ 3 son fils né vers 1325, dont le compte précise qu’il est du Mollard de Beaune, paye 7 deniers de droit de mutation pour l’achat de bien au prix d’un florin. Le compte de 1359-1360 révèle le décès de son père : « Il a reçu de Jean, fils de feu Guillaume FECEME, pour le même prix de trois florins de droit de lods ». 

Transcription des deux premières lignes :
Recepit a Iohanne condam filio Villermi Feceme pro eodem precio trium florenorum pro laude
Recepit a Pace et Margarita filiabus condam Iohannis Feceme pro eodem pro introgio/ trium florenorum pro laude

Source : Archives de Savoie Compte de châtellenie de Maurienne SA 16025 peau 11, lignes 726 et 727 vue 12/34.

Vers 1362, « Jean Fecuneti, accusé d'avoir (em)porté des fruits de Hugues BERTRAND avec lui » est contraint de payer un droit de ban, soit ici une amende de 13 sous et 12 deniers. L’identité de ce Fecuneti est cependant à confirmer. Enfin, on retiendra aussi vers 1370 l’opération importante « des frères Jean et Pierre FACEMETI pour la propriété achetée à Jean de NAYSSIUS au prix de quinze florins » (Jean FECEMAZ 3 et Pierre FECEMAZ 4). 

À la génération 4, on trouve trois comptes de Guillaume FECEMAZ 4 né vers 1350 : des droits de mutation en 1389 sur un bien acheté 2 florins de petit poids, de même qu’en 1399 pour un bien acheté 12 florins et le paiement du treizième en 1401, pour un bien acheté 5 florins. 

À la génération 5, on trouve cinq comptes de Michel FECEMAZ 1 né vers 1380. Il est à chaque fois associé à son frère Pierre FECEMAZ 6, également né vers 1380 et décédé avant 1446. Michel est probablement le frère cadet de Pierre, car il vient toujours en second dans les écritures des comptes. En 1416 et 1429, il s’agit de droits de mutation, en 1429 il s’agit deux fois de la taille et d’un droit de garde. Deux autres droits de mutation payés en 1429 nous indiquent que l’épouse de Pierre FECEMAZ 6 est Michelette, dont on sait par la généalogie qu’elle est née BUTTARD vers 1380. Pierre et Michelette font un achat de bien pour 110 florins d’or de petit pois, et Michelette fait un achat de propriété au prix de 8 florins auprès de sa belle-mère Bellone, veuve de Jacques BUTTARD.

Commentaire : ce tableau de synthèse montre que dans un premier temps, il y a croissance démographique : on passe de 3 FECEMAZ à la génération 1 née vers 1270, à 9 FECEMAZ à la génération 2 née vers 1300 (sans Marguerite). Par la suite on bascule dans le déclin démographique à cause de la Grande Peste de 1348 et de son retour récurrent : on descend à 6 FECEMAZ à la génération 3 née vers 1325 et on tombe à 3 FECEMAZ à la génération 4 née vers 1350.

Pour terminer cette énumération il faut aussi présenter la branche des AYMON alias FECEMAZ, dont l’origine est inconnue (en orange clair dans les documents statistiques). Jean AYMON 1 dit FECEMAZ et sa femme payent un droit d’entrée (investiture) en 1385. On le suppose assez jeune, au début de sa vie de couple, âgé d’environ 25 ans, donc né vers 1360. On le retrouve ensuite pour deux affaires de justice (droits de ban) : en 1403, « Etienne FONTAINE de Beaune (paye) pour une dénonciation faite contre Jean AYMON » et en 1404, « Jean AYMON de Beaune (paye) pour des pénalités ignorées ». Il n’est pas possible d’établir une filiation directe avec la génération suivante, on passe alors à une troisième génération composée de Michel FECEME alias AYMON et son frère Jean (Jean AYMON 2). Michel AYMON serait né vers 1405 et décédé avant 1476, date d’une reconnaissance dans un terrier de sa fille Jeannette (14). Son frère Jean AYMON 2, cité en second dans les écritures des comptes est supposé être un cadet né vers 1410. Michel AYMON et Jean sont associés dans 5 comptes de 1429-1430 pour des deniers de cens, la taille et des droits de garde. Michel figure la même année avec sa femme Marguerite pour le denier de cens. Toujours sur 1429-1430, Jean AYMON 2 figure seul une fois pour un droit sur l’avoine (Avena).


En guise de conclusion on retiendra que l’étude des comptes de la châtellenie de Maurienne est un instrument très riche dans une perspective généalogique. Elle permet de remonter jusqu’au milieu du XIIIe siècle pour découvrir des ascendants inconnus, mais elle ne permet pas de résoudre tous les problèmes de filiation. Le moteur de recherche de l’historien Jean-Pierre Derrier couvre actuellement la période 1266-1430. Il y a encore un champ de recherche considérable, car les comptes s’étalent jusqu’en 1565, mais ils ne sont pas disponibles en ligne.

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Notes :

(14) Inventaire vue 5/30 DD 2 - Registre : 1475 - 1481 - Fief appartenant par indivis à la communauté de Saint-Michel et au chapitre de Saint Jean - Terrier du fief de la Barre. Vue 363/522 : Reconnaissance de Pierre GROS de Villette et Jeannette (...) sa femme, fille de feu Michel AYMON alias FACEMAZ (...) par le notaire Hugonet MOREL https://archives-numeriques.savoie.fr/v2/ark:/77293/1a4cd89f964a253844b5801b2549f948

Source : Archives communales de Saint-Michel-de-Maurienne DD2 vue 363/822.

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