Michel Fecemaz de Beaune (1600-1654)
Le prêtre Michel Fecemaz (1600-1654) :
vicaire de Villarembert puis vice-prieur du prieuré de
Saint-Julien
Les
origines de Michel Fecemaz
L’absence de registres
paroissiaux fait que la date exacte de la naissance de Michel Fecemaz est
inconnue. On peut penser qu’il est né vers 1600 et qu’il est l’aîné d’une
famille de cinq enfants. Nous avons déjà croisé le grand-père dont il hérite du
prénom, Michel Fecemaz dit brun (±1550- <1620), lors du recensement de 1561 et
lors de la reconnaissance de 1583. Son père, Jean Fecemaz, est probablement né
un peu avant 1580 et il est décédé à Beaune le 12 avril 1653, par contre le nom
de sa mère n’est pas connu. Michel avait deux sœurs, Jeanne née vers 1600, et
Claudine née vers 1610, et deux frères, Jacques né vers 1605 et Claude né vers
1610.
Il est impossible de savoir
dans quelles circonstances il est entré en religion et quelle formation il a
reçu.
Il est le quatrième exemple de la famille Fecemaz à devenir
prêtre et cela constitue une promotion sociale de par l’apport culturel et
économique que ce statut procure. Il faut cependant relativiser cette position
sociale, au XVIIe siècle en Savoie, le clergé séculier est jugé
médiocre et surabondant, et souvent les vicaires et chapelains résident dans
leur famille ou en communauté. Les séminaires diocésains fonctionnent
tardivement, celui de Saint-Jean-Maurienne date seulement de 1735.
Michel
Fecemaz vicaire de Villarembert au moment de la grande peste de 1630
Il est concevable que
Michel Fecemaz ait été ordonné prêtre vers 1625, à environ 25 ans et qu’il soit
resté à Beaune dans sa famille dans l’attente d’un poste disponible dans le
diocèse de Maurienne (1). L’occasion se présente quand le vicaire de la paroisse de
Villarembert cesse ses fonctions. Il n’est pas possible de préciser la cause de
son départ, mais il semble plus lié à une mutation sur un autre poste qu’à un
décès car à ce moment l’épidémie de peste n’est pas encore déclarée. Les
registres de la paroisse permettent de dire que le vicaire précédant a effectué
son dernier baptême à Villarembert le 9 avril 1630, et Michel Fecemaz, son
remplaçant, a effectué son premier baptême un mois plus tard le 13 mai 1630. On peut rajouter que Villarembert faisait
partie depuis 1489 des onze églises paroissiales que possédait le Chapitre de
Saint-Jean-de-Maurienne, qui en était
curé primitif et percevait les
revenus, à la charge de se faire représenter par un vicaire ou curé amovible.
Note (1) Suite à des recherches en septembre 2020 sur les paroisses du décanat du Val-Pénouse qui appartenait au XVIIe siècle au diocèse de Maurienne, j'ai découvert que Michel Fecemaz était prêtre de l'église Saint-Maurice de Chamousset du 15 juillet 1629 au 14 avril 1630. 3E 281 vues 214-215/246 http://www.archinoe.fr/v2/ark:/77293/e71232e69bdf6f38
Deux mois après son
installation dans sa nouvelle paroisse, Michel Fecemaz revient à Beaune le 16
juillet 1630 (la distance avec Villarembert est d’environ 30 kilomètres) pour
être témoin du mariage de son frère cadet Jacques Fecemaz avec Marguerite fille
de Guillaume Gros originaire de Saint-Martin-la-Porte. L’acte le désigne par le
titre de « vénérable », expression utilisée pour un ecclésiastique et
l’autre témoin est « l’égrège » Jacques Charvoz (±1585-1633), titre
qui désigne la fonction de notaire. Ce déplacement montre qu’à cette date on
peut encore circuler dans la vallée de la Maurienne.
De retour à Villarembert,
Michel Fecemaz va être témoin dans sa paroisse des ravages causés par la
propagation de l’épidémie de peste. La « Notice sur la peste qui a affligé le diocèse de Maurienne en 1630 »
rédigée en 1837 par Mgr Billiet permet d’apprécier l’ampleur de l’épidémie, de
classer les 52 paroisses dont les registres de décès sont disponibles en
fonction de leur taux de mortalité, et de visualiser sur une carte la
répartition géographique de l’épidémie. L’auteur de la notice a recensé 3403
décès en 1630 pour une population en Maurienne de 40 545 habitants. Tous les
décès ne sont pas causés par la peste, l’auteur fait une comparaison avec le
taux moyen de mortalité de 1810 à 1830 qui était de 2,767% : sans la peste
il y aurait eu 1128 décès en Maurienne, il en déduit que l’épidémie a entraîné
un surplus de décès de 2275 (3403 – 1128).
Dans le classement des paroisses en
fonction du taux de mortalité en 1630, Villarembert se retrouve en haut du
tableau, en huitième position, avec une population de 559 habitants, la
paroisse connaît 69 décès en 1630, soit un taux de mortalité de 12,3%. Au
sommet du tableau on trouve Modane et Aiguebelle, bourgs étapes dans la
circulation des troupes dans la vallée de la Maurienne, et où la peste emporte
presque la moitié de la population. On ne dispose pas de chiffres pour
Saint-Jean-de-Maurienne, Saint-Michel-de-Maurienne, et les communes de la rive
droite de l’Arc en Basse Maurienne comme Argentine, mais on peut penser que
compte tenu de leur position de lieu de passage dans la vallée, les taux de
mortalité ont du y être élevés. Les Mémoires du temps rapportent que, au mois
de juillet 1630, le roi de France Louis XIII dut abréger son séjour à
Saint-Jean-de-Maurienne, parce que la peste y sévissait avec une extrême
violence, et de même à Argentine où il coucha en pleine campagne parce que
« tout était plein de peste » (Histoire
de la Maurienne, Tome 2, page 181). L’épidémie n’épargne pas le duc de
Savoie, Charles-Emmanuel Ier qui meurt de la peste à Savigliano en
Piémont le 26 juillet 1630.
La peste en Maurienne en 1630 : carte des 52 communes
classées selon le taux de mortalité
L’épidémie de peste de 1629-1630 : comparaison des
décès mensuels à Beaune et à Villarembert
Source : Registres des décès du diocèse de
Saint-Jean-de-Maurienne, cotes 3E280, 3E281, 3E282.
Si on entre dans le détail, on constate qu’à Villarembert, l’épidémie se concentre sur une période de quatre mois qui cumule 63 décès : elle éclate en août avec 10 décès, explose en septembre avec 23 décès, et se prolonge encore en octobre avec 17 décès et en novembre avec 13 décès (▲ voir le graphique). Sur cette période Michel Fecemaz enchaîne les enterrements, avec l’exemple extrême du 13 novembre 1630 où il enterre quatre membres d’une même famille (Charles Darvaz, sa femme Louise et leurs deux filles Françoise et Jeanne. Par comparaison, Beaune en 1630 semble épargnée par l’épidémie et fait partie, comme Saint-Martin-de-la-Porte, des 9 paroisses (en jaune verdâtre) dont le taux de mortalité est inférieur au taux « normal » de 3 % (sous l’Ancien Régime on peut retenir cet ordre de grandeur de 30 décès pour 1000 habitants en dehors des périodes de surmortalité), alors que dans le même temps les paroisses voisines de Saint-Julien, Montdenis et Le Thyl sont frappées. On peut cependant noter une surmortalité sur les mois d’octobre, novembre et décembre 1629, avec un cumul de 17 décès. Était-ce un début d’épidémie stoppé par des mesures d’isolement ? Il est impossible d’aller plus loin dans cette hypothèse. On observe qu’en période d’épidémie, les mariages cessent, mais le registre des mariages à Beaune pour la fin de l’année 1629 et le début de l’année 1630 n’est pas disponible.
À Villarembert,
on peut noter qu’il n’y a pas eu de mariage entre le 27 novembre 1629 et le 23
janvier 1631. Par contre le rythme est plus élevé de 1631 à 1634, avec 3 ou 4
mariages chaque année (il manque le registre paroissial de l’année 1631). Il en
résulte un rebond de la natalité en 1632 et 1634, les premières naissances
intervenant un an après la vague des mariages. On peut estimer qu’il a fallu au
moins six années pour que Villarembert retrouve le niveau de population de 1630
d’avant l’épidémie de peste. (▼ voir tableau ci-dessous)
Les évolutions de la démographie à Villarembert suite à l’épidémie de peste de septembre 1630
Pour terminer le récit de la
période du vicariat à Villarembert, citons le déplacement de Michel Fecemaz à
Saint-Martin-de-la-Porte le 31 décembre 1633 où il est amené à être parrain de
Michel Deléglise fils d’Esprit Deléglise (± 1610) et d’Antoinette Richard (±
1605). Le couple s’est marié le 1er mai 1631 – Antoinette était
veuve de François Collombet - et il
s’agit de leur deuxième enfant, mais nous ne savons pas à quel titre Michel
Fecemaz en devient le parrain. Notons également que la marraine est Claudine
d’Albier († 12 juillet 1640) femme de Louis de Mareschal de Luciane († 15
décembre 1661). Il s’agit d’un honneur pour la famille de l’enfant car la
famille Mareschal de Luciane est la plus ancienne des familles nobles de
Saint-Martin, elle est citée depuis 1183. Cette illustre famille a pris part
aux Croisades et a produit les premiers maréchaux de Savoie, et c’est de là que
vient son nom. Les Mareschal possédaient la tour de Saint-Martin-de-la-Porte et
trois maisons-fortes situées dans la commune, ils résidaient d’ordinaire dans
celle de la Buffette. Tout cela n’empêche pas l’enfant à peine baptisé de
décéder 6 jours plus tard le 6 janvier 1634…
La Peste en Savoie aux XVIe
et XVIIe siècles
On sait que depuis la grande épidémie de Peste
Noire de 1348, l'Occident n'a cessé de voir réapparaître, avec plus ou moins de
virulence, cette maladie aux conséquences dramatiques pour la démographie. On
connaît bien aujourd'hui le mode de transmission de la peste, par les vecteurs
que sont la puce et le rat et l'on sait également que les mouvements de
personnes, tels que marchands et soldats, étaient à même de propager le fléau.
1564, 1577, 1587, 1596, sont les dates des dernières grandes épidémies du XVIème
siècle en Savoie. En 1577, la peste venue vraisemblablement de Turin s'installa
à Chambéry et ses environs. La diffusion de l'épidémie semble ensuite emprunter
les itinéraires et les localités des déplacements des armées espagnoles qui
venaient du Piémont ravagé l'année précédente par l'épidémie. Par la suite la
Savoie fut victime du mal pestilentiel entre 1628 et 1632, comme pratiquement
la plus grande partie de l'Europe.
Source :
Mémoire publié par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, Nicolas Greslou, 1973,
180 p.
Michel
Fecemaz, vice-prieur du prieuré de Saint-Julien
L’absence de registres
entre avril 1636 et avril 1644 ne permet pas de donner la date exacte du départ
de Villarembert, mais on peut estimer qu’après une quinzaine d’années de
vicariat, Michel Fecemaz à obtenu vers 1640 une promotion comme vice-prieur du
prieuré de Saint-Julien. Le prieuré étant la possession du Chapitre de la
cathédrale de Saint-Jean-de-Maurienne depuis 1617, on peut en déduire que c’est
cette hiérarchie ecclésiastique qui lui confie ce poste. C’est une promotion
car la paroisse de Saint-Julien est riche de la culture de la vigne et le
prieuré affermé par le Chapitre au vice-prieur, procure de nombreux droits mais
aussi de nombreuses charges. Dés 1264, le commerce du
vin est cité dans la charte de franchises octroyée par le comte de Savoie
Pierre II aux hommes de Saint-Julien. Situé au pied de la plus haute falaise
calcaire d’Europe, la commune bénéficie d’un microclimat favorable à cette
culture. Lors de la réalisation du cadastre sarde en 1730, 4 665 des
11 582 parcelles recensées (40 % du total) sont des vignes, elles
représentent à cette date une superficie de 189 hectares et 40 ares. Mais la
vigne à un ennemi, une espèce d’insecte décrite comme « des animaux
brutes, volants, de couleur verte, semblable à des mouches, vulgairement
appelés amblevins ». À partir de
1545, on assiste à une série de procès contres ces animaux, avec même une
demande d’excommunication ! Signalons également deux autres activités
économiques spécifiques à Saint-Julien : l’exploitation de carrières
d’ardoises et la culture du safran.
On trouve les
traces de la présence du vice-prieur Michel Fecemaz à Saint-Julien dans les
registres paroissiaux en relation avec sa famille ou avec les nombreux mariages
dont il a été le témoin.
Le premier
repère disponible est le 30 août 1644, Claude quatrième enfant de Claude
Fecemaz et de Jeanne Albrieu est baptisé à Saint-Julien. Le parrain est Claude
Ribaud du Thyl et la marraine, sa femme, Claudine Brun. La présence au baptême
de Michel Fecemaz, frère aîné de Claude n’est pas explicite dans l’acte mais on
peut la supposer. Claude Fecemaz et Jeanne Albrieu, fille de Jean originaire de
Saint-Martin-de-la-Porte, se sont mariés à Beaune dix ans plus tôt, le 26
févier 1634. Signalons au passage que le même jour, la sœur cadette de la
famille, Claudine Fecemaz se mariait avec Michel Fecemaz fils de Dominique (un
cousin à la cinquième génération) ; Michel Fecemaz (alors vicaire de Villarembert)
et François Deléglise étaient témoins.
Claude et Jeanne
ont eu six enfants : les trois premiers sont nés à Beaune, Jeanne le 22
juin 1635, Michel le 21 décembre 1636, Marie vers 1640 (pas de registre). Mais
les trois suivants sont nés à Saint-Julien : après Claude, il y a une
autre Jeanne née vers 1645 (pas de registre) et Denise née le 15 octobre 1648
(le parrain est Jean Bernarder curé du Thyl et la marraine Denise Assier de
Beaune). On peut penser qu’après sa nomination au prieuré de Saint-Julien,
Michel Fecemaz a fait venir la famille de son frère Claude pour cultiver les
parcelles qui lui ont été confiées en affermage.
Sur les quatre
premiers mois de 1645, trois mariages sont célébrés à l’église de Saint-Julien.
Michel Fecemaz est témoin le 23 février
1645 de celui de l’honorable François De Pupet avec la noble dame Antoinette de
la Balme, veuve de spectacle Jacques Christin. Il n’existe pas de registres
entre mai 1645 et avril 1648, par contre on dispose ensuite d’une série
continue. Notre vice-prieur est témoin à 4 des 6 mariages de 1648, à 3 des 4
mariages de 1649, à 3 des 6 mariages de 1650 à Saint-Julien.
Cette année là
il se rend également à Beaune, le 25 mai 1650, pour être le parrain de
Jean-Michel fils de Michel Fecemaz et de sa sœur Claudine, la marraine étant
Jeanne Albrieu, la femme de son frère Claude.
Michel Fecemaz
est encore témoin à 3 des 5 mariages de 1651, à 2 des 5 mariages de 1652, à
aucun des 3 mariages de 1653 (mais le registre est incomplet). Il assiste à un
dernier mariage le 28 avril 1654, un mois avant son décès.
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