Les pestes en Maurienne de 1472 à 1630
En cette période de confinement liée à l'épidémie de coronavirus, il n'est pas inintéressant de se replonger dans le passé pour relativiser la situation présente en comparaison avec les épidémies de peste d'autrefois. D'après le décompte de la Johns Hopkins University, la planète comptait vendredi 27 mars 2020 au soir, plus de 600 000 cas déclarés, plus de 28 000 morts , dont officiellement 1995 en France (seulement 4 en Savoie). Le cardinal Billiet, ancien évêque de Maurienne, avait dressé en 1837 à partir des registres paroissiaux, le tableau
des décès dans 52 paroisses de Maurienne et arrivait pour la peste de 1630 à
3 403 décès pour une population approximative de 40.500 habitants, soit un taux de mortalité de 83 pour 1 000. Luc Fessemaz.
Document 1
Document 1
Histoire
de la Maurienne, tome 2 (du XIVe siècle au XVIIe siècle), par le Chanoine
Adolphe Gros (1864-1945). Ouvrage
édité après 1946 et réédité en 2010.
CHAPITRE XVII Les pestes du XVIe siècle.
La
peste est, avec la famine et la guerre, un des trois grands fléaux dont
l'Eglise, en ses Litanies, demande à Dieu de préserver les peuples chrétiens.
Qu'on se rappelle la peste noire de 1348, qui enleva, dit-on, à l'Europe, le tiers de sa population.
En Maurienne, jamais la peste n'a sévi
avec autant d'intensité et de fréquence qu'aux XVIe et XVIIe siècles.
Elle apparaît
déjà à la fin du XVe. En 1472,
Pernette Cartier, veuve de noble Gabriel Vallin de Fontcouverte, cherche un refuge dans la montagne pour échapper au
fléau. Vaine précaution. Par son testament, qui est du 30 mai, elle lègue une
vache à une femme qui avait soigné ses deux filles, toutes les deux mortes de
maladie contagieuse. L'acte est reçu par messire Pierre Thorain, curé de
Fontcouverte.
A
cause de la difficulté de trouver un notaire dans les temps d'épidémie, le
Sénat de Savoie avait autorisé les curés, ou toute autre personne capable à
recevoir les testaments, sauf à les remettre plus tard à un notaire.
La
peste durait encore ou bien avait reparu en 1478. Le 13 septembre de cette
année, « à cause du mal contagieux et de l'isolement », le même curé
reçoit le testament de Marguerite, autre fille de Gabriel Vallin (1).
En 1545, la Savoie était sous l'autorité de François 1er, roi de France. Etienne de la Roche, conseiller du roi, juge-mage de
Maurienne, avait également donné aux curés l'autorisation de recevoir les
testaments, à défaut de notaire. C'est ainsi que, le 14 janvier 1545, messire
Jean Ollier, curé de Valmeinier, reçoit le testament d'un de ses paroissiens.
En 1545, la paroisse de Beaune était « bannie », c'est-à-dire séquestrée de toute communication avec
les paroisses
(1) En 1471, la
peste fit également son apparition dans la vallée d'Aoste et dans toute
l'Italie. L’évêque et le Chapitre cathédral de cette ville recoururent à
l'intercession de Saint Sébastien.
Une procession dans les rues de la cité fut instituée à perpétuité en l'honneur du Saint. Cette procession se fait encore
aujourd'hui, le 20 janvier (DUC: Hist.
d'Aoste, t. V, p. 41).
169
environnantes. Le curé
étant mort, c'est Sébastien Assier (*),
« clerc de Beaune », qui fait fonction de notaire. Pour obtenir la cessation du
fléau, les habitants de Beaune font le vœu de représenter le mystère de Saint Sébastien (1).
La ville de Saint-Jean-de-Maurienne
fut épargnée grâce aux mesures prises par les syndics. Ils avaient placé quatre
gardes au pont d'Hermillon et autant à celui de Villard-Clément.
Ils avaient interdit, pour la foire de la Décollation de Saint-Jean-Baptiste
(29 août), l'entrée de la ville aux marchandises venant de lieux suspects, aux
gens de Genève, de Talloires, de Faverges, de Thônes, de Manigod, de Moûtiers
et de toute autre lieu infecté (2).
La ville de Saint-Jean n'échappa point à la peste de 1564-65, qui paraît avoir
frappé, avec plus ou moins de violence, toutes les communes de la Maurienne.
Des cabanes avaient été
établies au Clapey, en dehors de la ville. Mais des autorisations particulières
étaient accordées à ceux qui demandaient à se retirer dans leurs propriétés
situées loin de la ville.
Le 4 décembre, les syndics
permettent à ceux qui ont été infectés ou suspectés de maladie de rentrer chez
eux, à la condition d'y demeurer enfermés pendant quarante jours, pour éprouver
leur logis et s'assurer s'il était exempt de tout germe de contagion.
A
la fin du mois, la maladie avait, sinon complètement disparu, du moins subi une
forte diminution.
Au printemps, elle se
signala par une recrudescence inouïe.
Le 29 avril 1565, le
conseil général statue que l'on choisira un lieu séparé pour la sépulture des
pestiférés, qu'on le fera bénir et clore ; que les règlements faits l'année
précédente et approuvés par le Sénat seront remis en vigueur ; que les
nettoyeurs des maisons porteront hors de la ville et brûleront les meubles des
pestiférés ; que l'on fera tuer ou que l'on tiendra enfermés tous les chiens et
les chats. Et, comme le conseil général ne peut prévoir toutes les mesures qui
(*) Le notaire ducal
Sébastien Assier (±1520-1583) figure dans plusieurs arbres génélogiques du site Geneanet.
(1) TRUCHET : Réc. M., 2e série, p. 362.
(2) TRUCHET : Saint-Jean-de-Maurienne au XVIe siècle, p.
491.
170
pourraient devenir nécessaires, il nomme des commissaires
dans chaque rue, avec plein pouvoir de faire les ordonnances qu'ils jugeront
convenables. Le mal est si grand que les nettoyeurs ne suffisent plus à leur
répugnante besogne. On en recrute deux au delà des Alpes François Roux de
Bardonnèche qui avait nettoyé les maisons des pestiférés de Millaures, et Jean
Roux habitant Chomont qui avait fait le même service dans la paroisse de
Jaillon près de Suse, tous les deux avec un remarquable dévouement.
Par
contrat, passé à Saint-Jean, le 30 juin 1565, les deux maîtres nettoyeurs
s'engagent à curer et nettoyer les maisons infectées, membre par membre, à
faire les parfums et lavements requis, à désinfecter les meubles, de sorte
qu'après cette désinfection générale on puisse habiter ces maisons, en toute
sécurité.
Ils
promettent également, suivant leur savoir et industrie, de panser les plaies de
ceux qui sont atteints de contagion, de sépulturer les pestiférés, de faire tout
ce qui leur sera commandé par les syndics, à quelque temps et quelque heure que
ce soit, sans aucun refus ni délai, jusqu'à ce que la contagion ait disparu.
Une
délibération du 20 juillet constate que la ville est à peu près débarrassée du
redoutable fléau.
Le
12 août, le Conseil général décide que la procession générale vouée en l'honneur
de Saint Roch sera faite en grande
dévotion le jour de sa fête (16 août) et sera publiée par la cité, afin que
chaque chef de famille puisse y assister et observer la fête suivant le vœu (1).
Rappelons
que c'est à l'occasion de cette peste que la cité s'engagea à représenter le
mystère de la Passion.
Tandis
que la peste prenait fin dans la ville de Saint-Jean, elle éclatait à Jarrier, Fontcouverte et Saint-Pancrace.
Nous ne savons rien sur cette épidémie dans ces trois communes, sinon qu'à
Jarrier, c'est alors que fut bâtie la chapelle en l'honneur de Saint Roch, au
hameau de la Vardaz. La chapelle
(1) TRUCHET : Saint-Jean-de-Maurienne au XVI' siècle, p. 511.
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de Saint Roch à Hermillon
fut aussi bâtie, en 1567, à la suite d'un vœu fait par la population au temps
de la peste.
Nous avons vu que les paroisses de Saint-Martin-la-Porte et de Lanslevillard, pour avoir échappé à la
peste de 1564, promirent, l'une, de représenter le mystère de Saint Martin, l'autre, celui de Saint Sébastien.
Les
habitants de la commune des Fourneaux,
particulièrement éprouvés par la peste de 1565, firent vœu de bâtir une
chapelle sous le vocable de Saint Bernard (de Menthon), en la glaire du Rieu,
près de l'église. Elle fut construite en 1578.
Par contrat du 23 juin 1565, Bernard Verney, d'Albiez-le-Vieux (*),
s'engage, pour une période de 40 jours, à creuser les fosses et à ensevelir les
corps des pestiférés, à nettoyer les maisons des contagieux
(1).
Bernard
Verney déclare que c'est surtout pour l'amour de Dieu et du prochain qu'il
accepte ces rebutantes corvées.
Les
syndics de la communauté promettent de lui payer la somme de 20 florins à
l'expiration des 40 jours et de lui fournir les aliments nécessaires pour tout
le temps de son bannissement.
Si
Verney venait à mourir dans ce temps, ce qu'à Dieu ne plaise, ils seront tenus
de le faire enterrer aux frais de la communauté.
Il
paraît que Verney ne put terminer la période de son engagement, car, entre le
11 et le 17 juillet (l'acte ne précise pas le jour), il était remplacé par un
nommé Antoine Francoz, qui acceptait les mêmes conditions, sauf qu'on
ajouterait à son régime alimentaire une pichelette de vin par jour.
Francoz,
non plus, n'alla pas jusqu'au bout de sa période de 40 jours. En effet, le 28
juillet, les syndics d'Albiez passent un nouveau contrat avec Catherin Bonnet
pour ensevelir les corps des pestiférés, tant que la contagion durera, de
creuser les fosses au lieu qui sera indiqué par les syndics, de brûler les
cabanes des décédés de mort contagieuse, tous les meubles et autres choses,
suivant les ordres des syndics.
« Et
ce a fait ledit Bonnet, de grâce spéciale, en l'honneur
(*) Note de Luc Fessemaz du
28 mars 2020 : Mathieu Verney (±1646-1700)
est mon sosa 528, il est impossible d’établir une parenté avec le fossoyeur
Bernard Verney, né probablement un siècle plus tôt mais ils portent le même nom
de famille originaire d’Albiez-le-Vieux. Site Geneanet https://gw.geneanet.org/lfessemaz_w?iz=3238&n=verney&oc=0&p=mathieu&type=fiche&i=5600
(1)
Minutes du notaire
Collombet Humbert.
172
de Dieu, de la glorieuse vierge Marie, de Saint Sébastien,
de tous les saints et saintes du paradis ».
De
leur côté, les syndics promettent par serment de payer et délivrer à Catherin
Bonnet, pendant sa vie naturelle, deux sestiers de blé seigle chaque année à la
fête de Saint André, de lui faire une cabotte pour le protéger contre les
intempéries, avec ordre audit Bonnet de ne pénétrer que dans les lieux qui lui
seront assignés par les syndics.
Ils
promettent également de lui fournir une couverture, un linceuil, de la paille
pour sa couche ; de pourvoir à son alimentation, pendant tout le temps qu'il
demeurera banni pour ladite contagion.
A
la fin de son bannissement, avant qu’il ne fréquente aucune personne, les
syndics s'engagent à le vêtir d'un habit de drap du pays, de chausses du même
drap, d'une paire de socques, chapeau, barrette.
Comme
pour les deux ensevelisseurs précédents, le contrat prévoit que, si Bonnet
vient à passer de vie à trépas pendant le temps de la contagion, sa sépulture
sera faite aux frais de la communauté.
Une nouvelle peste se déclara en Savoie en 1587. La ville de Chambéry fut particulièrement éprouvée.
Le Sénat et le Conseil d'Etat se retirèrent à Myans, où ils firent de concert
un règlement sur les moyens d'arrêter les progrès de la maladie. On y remarque
le préjugé, alors très répandu, que la peste était due aux maléfices diaboliques
de certains empoisonneurs (1).
Nous
n'avons découvert aucun renseignement sur les paroisses de la Maurienne
atteintes par la contagion, excepté pour celles de Fontcouverte et de Saint-Sorlin-d'Arve.
Le 25 octobre 1587, les syndics font un contrat avec Jean-Pierre Constantin,
d'Albiez-le-Vieux, qui se charge, pour la durée d'un mois, d'ensevelir les
pestiférés de la commune, en quelque lieu que ce soit, moyennant 60 florins et
un florin par jour pour sa nourriture, en outre un florin par jour pour sa
nourriture
(1)
Acad, Sav., t. VIII, Chambéry 1837, p.
200.
173
pendant sa quarantaine et
un habillement neuf: chapeau, robe, haut et bas de chausses, souliers.
Les
dépenses pour la nourriture des séquestrés aux Rafforts, frais de nettoyage et
de sépulture, du 7 octobre 1587 au 13 décembre 1588 s'élèvent à 272 florins et
dix sols (1).
La
peste était à peine éteinte à
Fontcouverte, qu'un nouveau foyer se déclarait à Saint-Sorlin-d'Arve. On
accusait un nommé Benoît Bernard d'avoir apporté la contagion, parce qu'il
avait été peu de temps avant dans un pays infecté et qu'il en avait rapporté
des effets d'habillement. Saint-Sorlin communiquant avec Fontcouverte par le col
d'Arve, c'est sans doute de cette dernière paroisse que venait le germe
contagieux.
Le
jeudi 2 septembre 1588 mourait la fille de Claude Bernard, syndic de
Saint-Sorlin, le lendemain c'était son fils qui passait de vie à trépas. Sa
femme et un autre de ses fils tombèrent malades. Bernard reçut l'ordre de
rester dans, son chalet à la montagne, où l'autre syndic promettait de lui
envoyer les vivres nécessaires.
Le
juge corner, immédiatement informé, fit mettre des gardes à la cité de
Saint-Jean pour ne laisser entrer aucune personne venant de Saint-Sorlin.
Le
samedi 4, ordre était donné aux syndics, de la part de l'évêque et du juge
mage, de désigner un endroit pour l'installation des cabanes et de charger
quelqu'un d'ensevelir les pestiférés. C'est un nommé Giroud Decluny qui accepta
la fonction d'« enterreur ».
Le
8 septembre, Saint-Sorlin reçut la visite d'un médecin et l'ordre de nettoyer
les maisons.
Nous
ne connaissons pas le nombre des personnes qui moururent de la peste. On voit
seulement, par un rôle du 30 octobre, alors que la contagion touchait à sa fin,
que cent trente pestiférés reçurent des vivres aux frais de la commune.
Leur
nourriture était on ne peut plus frugale : du pain et du fromage. L'enterreur
et les deux nettoyeuses avaient un régime un peu plus confortable. Girond
Decluny, chargé des
(1) S. H. A. M., 2e série,
t. IV, 1re partie, p. 203.
174
ensevelissements, reçut trente pots de vin à lui seul,
Jeanne Falcoz, femme de François RoI de Saint-Jean-de-Maurienne, qui avait pris
l'entreprise de nettoyer et laver les maisons infectées, avec l'aide de sa
chambrière, eut plus d'un quintal de viande, avec du pain de froment de
première qualité.
Deux
commis pour la santé, noble Pierre Sallière d'Arve et Jean Dedux de la
cité de Saint-Jean-de-Maurienne, exercèrent une surveillance générale sur tout
ce qui concernait les malades, vaquèrent pendant 49 jours, à raison de 5 florins par jour, sans compter
leurs frais de bouche.
Depuis
le milieu d'octobre 1588, il ne se produisit plus aucun décès pour cause de
contagion.
La peste de 1598-99
Après un répit de dix
ans, la peste recommença en 1598, plus violente et plus étendue.
Une
délibération du conseil de
Saint-Jean-de-Maurienne nous apprend que, « en l'année 1598, la présente
cité et circonvoisines étant atteintes de maladie contagieuse, les habitau'ts
se seraient unanimement assemblés et auraient fait vœu solennel de représenter
le mystère de la vie, martyre et passion de Saint Sébastien» (1).
Ils
firent aussi le vœu d'aller en procession à N.-D. du Charmaix. Nous ne sommes
pas fixés sur le nombre des victimes, sur le commencement et la cessation du
fléau. Nous savons seulement, par un état du 17 novembre 1599, que le nombre
des cabanes pour pestiférés, au lieu du Clapey, était de trente : onze étaient
occupées par vingt trois malades, seize par trente quatre soupçonnés de
contagion, et trois par les hospitaliers et les buandières.
La peste de 1598-99 sévit
dans toute la Maurienne. Au mois d'août 1598, des
cas de contagion sont signalés à Fontcouverte. Un moment assoupi, le
fléau reprend avec une intensité accrue l'année suivante. Le 7 août 1599, un
cas s'est produit au hameau de Riortier, et la commune est séquestrée de toutes
communications avec les voisines. Cependant, au mois de
(1) Arch. municip., série
BB, 2e section.
septembre,
le sénateur d'Humbert accordera l'autorisation d'entrer en ville aux habitants
de Fontcouverte munis d'une billette ou certificat de santé.
Le
7 octobre, les syndics passent une convention avec un ensevelisseur pour
l'enterrement des pestiférés dans les champs, loin des grands chemins, mais
aussi près que possible des maisons où ils sont morts.
Le fléau persiste jusqu'à
la fin de l'année, et même au delà.
Le
23 janvier 1600, on avertit le procureur fiscal de l'évêché pour qu'il vienne
visiter deux malades que l'on croit atteints de la peste. C'est la dernière
mention du registre que nous avons consulté.
De
Fontcouverte, la peste passa dans la commune voisine de Saint-Jean-d'Arve. Le seul document que nous ayons découvert est un
acte passé, le 24 septembre 1599, entre Michel Brun consyndic de
Saint-Jean-d'Arve, « agissant au nom des affligés de contagion » avec Giroud
Decluny, de la paroisse de Saint-Sorlin-d' Arve.
Celui-ci
s'engage à faire le service d'ensevelissement des pestiférés pendant toute la
durée de la contagion, moyennant le salaire de six sols par jour, de 25 livres
de pain, 5 livres de fromage, 2 livres de farine, 2 livres de beurre et demilivre
de sel pour chaque semaine. Outre ces gages, on lui donnera la somme de 18 sous
de Savoie pour faire les fosses auprès des cabanes des décédés. Si les parents
les veulent faire enterrer au cimetière de la paroisse, il conviendra avec eux,
comme bon lui semblera.
Le
syndic promet encore de faire faire une cabane pour Giroud, de la meubler et de
lui fournir le bois nécessaire. Enfin il lui donnera encore la somme de vingt
florins de Savoie, après qu'il sera resté en quarantaine le temps jugé
nécessaire par le commissaire de la santé.
Comme
Giroud était de Saint-Sorlin, il s'engage à ensevelir aussi les pestiférés de
cette paroisse au cas où quelque décès, pour cause de contagion, viendrait à se
produire, ce qu'à Dieu ne plaise.
176
Durement et longuement
éprouvée par la peste de 1598-99, la paroisse de Jarrier fit successivement trois vœux pour apaiser la colère de
Dieu: 1° celui de représenter la vie et la passion de Saint Pierre son patron,
2° de faire une procession générale à N.-D. du Charmaix, 3° de
fonder une messe à perpétuité tous les vendredis de l'année (1).
La
représentation du mystère de Saint
Pierre eut lieu, à Jarrier, le 30 juin 1604 (2).
Jacques
Bertrand, dans sa Diva virgo Charmensis, attribue à la protection de la
Sainte Vierge la cessation de la peste en Maurienne en 1598-99. « Lorsqu'une
peste cruelle, dit-il, désolait les villes et les villages de la Maurienne et
faisait tant de ravages qu'on pouvait craindre qu'un pays jusqu'alors si peuplé
ne fut réduit en vaste solitude, quelle puissance l'a arraché des gorges de la
Mort? C'est, sans aucun doute, le patronage de la Vierge Marie» (3).
Nous
venons de voir que plusieurs paroisses, pour être délivrées du fléau, se
vouèrent à N.-D. du Charmaix.
La
chapelle, sous le vocable des Saints Sébastien et Roch à Saint-Avre, fut élevée
par la communauté, à la suite d'un vœu fait lors de la peste de 1598.
Terminons
cet article par l'analyse d'une ordonnance du magistrat de la santé contenant
d'excellentes prescriptions d'hygiène et de prophylaxie, mais ayant le tort
d'arriver trop tard. Car cette ordonnance ne fut prise que dans les premiers
mois de l'année 1600, alors que la peste avait à peu près totalement disparu.
Elle
vise particulièrement la Maurienne, « qui est le grand passage d'Italie en
France et autres régions» et qui avait été plus éprouvée que les autres
provinces dans les dernières épidémies.
Aux
règlements précédemment édictés, le Magistrat de la santé croit devoir ajouter
la présente ordonnance.
Elle
enjoint à tout propriétaire ou locataire de maison ou grange ou autre édifice
dans la cité de Saint-Jean ou dans
(1) S.H.A.M., 1er vol., p.
160-162.
(2) Livre de raison de
Balthazard Baptendier.
(3) BERTRAND, op, cit., p. 27.
les autres
localités de la Maurienne, où est survenu quelque accident de contagion reconnu
depuis Pâques de l'année dernière jusqu'à présent, de nettoyer ces édifices et
leurs dépendances des toiles d'araignées, de la poussière, des immondices,
cloaques, tas de fumier, de faire conduire le tout en des lieux ouverts et
battus de l'air, hors de l'enclos des maisons, des rues et des chemins.
On devra également étendre dans quelque chambre
ouverte, grenier ou galerie, tous et chacun des habillements, garnitures de
lit, linge et autres meubles spongieux dont on ne se sert pas actuellement,
ainsi que les effets dans des coffres sans rien excepter. On laissera ces
objets exposés à l'air aussi longtemps qu'il sera jugé nécessaire par les
syndics, et l'on mettra ensuite à la lessive tout ce qui peut y être mis.
Les syndics sont chargés de veiller à l'exécution de
la présente ordonnance. Les chefs de quartier, les dizainiers ou surveillants
d'un groupe de dix maisons, visiteront toutes les pièces dont ils ont la
charge. Ils inscriront sur un registre les noms de ceux qui se sont exactement
conformés à cet ordre et les noms des défaillants. Ils remettront ce registre
au secrétaire du magistrat de santé. Enfin, il est enjoint à tous les
propriétaires et locataires de maisons de parfumer, pendant trois jours, matin
et soir, leurs maisons d'habitation et leurs diverses chambres, de nettoyer et
tenir continuellement propres les lieux publics, d'enlever toutes les
immondices existantes.
Cette ordonnance est signée
par Jean-Claude la Roche, président de la Chambre des comptes et membre du
Tribunal de la Santé.
CHAPITRE XVIII La peste de 1630.
Dès 1629, la peste avait envahi la Provence, le
Dauphiné, le Lyonnais, la Franche-Comté et le Vallais. En Maurienne, elle n'éclata que dans les derniers jours de juin ou les
premiers de juillet. Elle avait été apportée par les troupes qui revenaient
du Montferrat, où le fléau sévissait depuis une année.
Le cardinal Billiet, ancien évêque de Maurienne, qui
avait pu consulter les archives de l'évêché de Maurienne, a publié, dans les Mémoires
de l'Académie de Savoie, le tableau
des décès dans les cinquante-deux paroisses dont on a conservé les
registres mortuaires. Le total s'élève à
3.403 décès pour une population approximative de 40.500, ce qui fait une
moyenne de 83 par 1.000 habitants (1).
Les paroisses
qui ont eu le plus grand nombre de victimes sont Lanslebourg, Modane et
Aiguebelle.
A Lanslebourg, le premier décès
certainement imputable à la peste est du 4 juillet.
Mgr Billiet
compte 309 décès pour une population de 896.
Le chiffre indiqué
est certainement inférieur à la triste réalité. La lecture du registre accuse
316 décès du 15 avril au 30 décembre. Il y a des mentions collectives, comme
celle-ci, du 8 juillet: « Mort de
Pierre Burdin et de toute sa famille ». De combien de membres se composait
cette famille? L'acte ne le dit pas.
On constate 70 décès au mois d'août, 166 au mois de
septembre, 43 au mois d'octobre, 27 au mois de décembre. Il n'est pas parlé du
mois de novembre.
(1)
Ac.
Sav., 1re série, t. VIII.
Chambéry, 1837, p. 193.
179
Le
29 août, il y a eu 8 décès, 10 le 10 septembre, 16 le 15 du même mois.
Le
vicaire de la paroisse, Rd Jean Damé, mourut le 6 août, et le curé, Rd Jacques
Vernay, le 4 Septembre.
Les
pestiférés de Lanslebourg se trouvèrent privés de tout secours religieux au
moment où le fléau sévissait avec le plus d'intensité.
Un
prêtre, messire Jacques Aiglet, vint
mettre son dévouement au service de ses compatriotes. Il était né à Lanslebourg
en 1601. Il était docteur en théologie et en droit canon. Depuis quatre ans, il
administrait la paroisse de Montvernier. Ayant appris la triste situation de sa
paroisse natale, il demanda à l'évêque l'autorisation de donner les secours de
son ministère à ses compatriotes
délaissés. Pendant toute la durée de la contagion, il se dépensa auprès des
malades jour et nuit. A la cessation du fléau, il fut nommé curé de Lanslebourg
et desservit cette paroisse pendant quarante-cinq ans. Il mourut le 13 février
1676, en grande réputation de sainteté.
A
Modane, il y eut 466 décès sur 962 habitants.
C'est
dire que près de la moitié de la population fut emportée par le fléau. On
compte 200 décès au mois d'août, 145 au mois de septembre. Certains jours il y
avait dix, onze, douze décès.
Parmi
les victimes nous relevons le nom de messire Saturnin Michel, curé de la
paroisse, décédé le 10 octobre. Il eut pour successeur messire Jean Armand qui
a signé la copie des registres.
Les
pestiférés furent ensevelis au lieu dit la Glaire,
sur la rive gauche de l'Arc, près du pont de l'Outraz. Au milieu de
cet ancien cimetière se dresse une croix. Chaque année, le 2 novembre, fête des
Trépassés, la population de Modane s'y rendait en procession, pieuse coutume
qui n'a disparu que depuis quelques années.
Pendant la durée de
l'épidémie, il ne s'est fait aucun mariage.
Lorsqu'elle eut cessé, on
célébra cinquante-six mariages en trois mois. C'était une belle revanche sur la
Mort. Le même phénomène s'est produit dans d'autres paroisses. A Valloire,
180
treize mariages furent
bénits le même jour. Le registre des décès de cette paroisse mentionne, du 15
avril 1630 au 26 avril 1631, cent vingt-huit morts.
La
ville d'Aiguebelle avait beaucoup
souffert pendant les guerres de François 1er et
de Henri IV. En 1630, la population n'atteignait pas même le chiffre de 500.
Elle en perdit encore près de la moitié pendant le temps de la contagion.
Nous
ne possédons pas les registres mortuaires d'Argentine, en l'année 1630. Mais nous savons que Louis XIII, passant
par Argentine au mois de juillet, coucha en pleine campagne, parce que « tout
était plein de peste ».
Les
registres de Randens font également
défaut. D'autres documents nous apprennent que la collégiale, fondée sur son
territoire vers 1254, comprenant.:. perdit cinq chanoines et cinq chapelains,
ainsi que deux enfants. Cette simple constatation en dit long sur la mortalité
de.la paroisse.
Les
Mémoires du temps rapportent que, au
mois de juillet 1630, Louis XIII dut abréger son séjour à Saint-Jean-de-Maurienne,
parce que la peste y sévissait avec une extrême violence. Mais il nous est
impossible de donner des précisions. Nos archives ne possèdent ni les registres
de décès de la paroisse Notre-Dame, ni les délibérations du conseil de ville,
ni les minutes des notaires, pour l'année 1630. C'est la conspiration du
silence. Nous n'avons que le registre de la paroisse de Saint-Christophe, qui
ne comprenait qu'une faible partie de la ville. Le curé a enregistré vingt
décès, en avertissant qu'un grand nombre d'autres n'ont pas été mentionnés,
parce que, à cause de la guerre et de la peste, il ne connaissait pas les noms
de tous les décédés.
C'était
sur le territoire de sa paroisse qu'était installé l'hôpital militaire, comme
le prouve cet acte de décès: Le 18 juillet est décédé Pierre Chassagne, du
diocèse de Périgord, soldat de la compagnie colonelle et régiment des gardes du
roi, mort à la maison du Pont, qui est l'hôpital.
On
lit également cette mention : Le 1er août est décédé, à l 'hôpital
du roi, noble de Masure, soldat, âgé de 16 à 17 ans.
181
Le
11 octobre décédait messire Martin Duc, recteur de Bonne Nouvelle Bien que
cette chapelle dépendit de la paroisse de Saint-Christophe, le recteur fut
sépulturé derrière le sanctuaire, dans la partie du jardin qui regarde
Hermillon.
La
paroisse de Fontcouverte est celle
qui possède les renseignements les plus complets sur la peste de 1630. Jacques
Chaudet, secrétaire commis pour la santé dans cette paroisse, nous a laissé un
registre qui contient l'histoire, jour par jour, de la terrible épidémie dans
cette localité.
Ce
journal s'ouvre, le 14 août, par la mention du décès du fils du notaire Louis
Claraz-Bonnel, mort de maladie contagieuse, comme l'a constaté M. Pellet (1), médecin de la cité de SaintJean. Le
jeune homme est enterré immédiatement derrière la maison de son père. Depuis le
12, le notaire Claraz et sa domestique sont enfermés dans une des cabanes
construites près de la fontaine de Pierrefiche. Trois autres personnes de la
famille sont séquestrées dans la maison avec défense d'en sortir.
Le
15, six personnes sont encore séquestrées, avec leurs familles, pour être
entrées dans la maison du notaire Claraz.
Les
deux syndics de Fontcouverte, qui y étaient entrés le Il août « tant pour boire que pour autres affaires »,
avaient été séquestrés le lendemain ou le surlendemain par ordre de Me Baudrey,
commissaire de la santé à Saint-Jean.
Le
18, le même commissaire écrit aux conseillers de Fontcouverte pour leur
enjoindre de faire une assemblée, afin d'élire de nouveaux syndics et de nommer
dans chaque village des commissaires de santé qui visiteront les malades et
avertiront immédiatement les syndics.
Et,
comme on se plaignait que Claraz-Bonnel s'était fait construire des cabanes
trop près du chemin public et de la fontaine où s'approvisionne le village, le
commissaire Baudrey ordonne que ces huttes en paille soient promptement
transportées au Raffour, « en lequel
lieu est de coutume faire des cabanes en ce fâcheux temps ».
(1) Nous croyons qu'il faut
lire « Pellère ». Il y avair alors à Saint-Jean un médecin de ce nom.
182
D'après
la même ordonnance, personne ne pouvait sortir de la paroisse, pour quelque
affaire que ce fût, sans l'avis des syndics et une billette signée du
secrétaire de la commune.
De
plus, aucun corps ne pouvait être enterré sans avoir été préalablement visité.
Les
commissaires pour la visite des morts devaient retourner les corps de tous
côtés, pour voir s'ils portaient quelque marque de la tumeur charbonneuse, qui
était le signe de la peste.
Le
visiteur des morts se nommait Colomban Boisson. Il tenait soigneusement son
registre. Du 14 août au 6 septembre, il a visité 56 cadavres dans les divers
hameaux de la commune. Pour cette besogne macabre, il a reçu des familles des
décédés la somme totale de 112 florins 6 sous, plus 5 florins pour une visite
qu'il a faite à Villarembert, et autant pour une visite à Montrond.
Les
commis de la santé recevaient aussi pour leurs vacations un salaire dont le
chiffre n'est pas indiqué.
Il
était plus difficile de trouver des enterreurs appelés vulgairement « corbeaux». A leur défaut, c'étaient les parents qui devaient
ensevelir les morts à cinq pieds sous terre, loin des maisons et des chemins
publics.
Le
1er octobre, le notaire Louis Claraz, enfin rentré dans sa maison,
remplace Me Jacques Chaudet comme secrétaire de la commune. C'est lui qui
visite les malades, les met en état de séquestration dans leurs maisons ou les
fait conduire dans les cabanes. Souvent, il se rencontre avec le curé messire
Louis Domenjon ou son vicaire messire Pierre Marchand. Lui aussi a tenu un
registre détaillé ..
Le
village des Rossières est particulièrement infecté. Me Jacques Chaudet, étant
allé à une maison qu'il y possédait,
fut condamné à s'y enfermer. Par
mesure de précaution, on séquestre tous les habitants du village.
C'est
ainsi qu'on procède également au village de l'Alpettaz, le 15 novembre, parce
que la famille de Jean-Antoine est suspecte de contagion. Le lendemain, les
Boisson sont conduits aux cabanes du Raffour, où ils restent jusqu'au 27.
183
Le
6 décembre, séquestration de tous les habitants du village des Anselmes.
Du
20 novembre au 31 décembre, le registre de Me Claraz
mentionne onze décès attribués à la peste. On signale encore un décès dû à la
contagion le 3 janvier 1631, un autre le 29 du même mois, et un le 9 mars : ce
dernier cause la séquestration de tous les habitants du Villard.
L'année
1631 se passe sans autres incidents. Au mois de janvier 1632, la peste, que
l'on croyait entièrement disparue, se manifeste par quelques cas isolés. Le 6
janvier, un jeune homme étant mort subitement à Riortier, tous les habitants du
village sont séquestrés.
Du
8 janvier au 24 février, Me Claraz
enregistre encore cinq décès causés par la peste. Il clôt son registre le ler juin.
Les
malades guéris ou les suspects qui ont été en cabane font, à leur sortie, une
quarantaine de dix, vingt ou quarante jours. Leurs vêtements et tous les objets
dont ils se sont servis sont brûlés. Leurs maisons sont purifiées, et, à cet
effet, les nettoyeurs ou cureurs se servent de soufre, d'encens, de myrrhe,
d'arsenic ou de sublimé, et de parfums. Chaque meuble, chaque objet, est soumis
à un nettoyage minutieux.
Cette
opération terminée, on éprouve les maisons en y enfermant, pendant dix jours,
moyennant salaire, une personne de bonne volonté et bien portante. Après cette
épreuve, ceux qui revenaient des cabanes pouvaient enfin rentrer chez eux, on
devine avec quel plaisir.
Le
secrétaire de la communauté de Fontcouverte a oublié de mentionner, dans son
registre, les moyens surnaturels auxquels on eut recours pour être délivré du
fléau.
Le
24 novembre 1630, les communiers s'assemblent devant la grande porte de
l'église et s'engagent solennellement : 10 à
faire trois processions en blanc dans la paroisse, avec jeûne et deux messes
pour chacune des trois processions; 20 une procession en blanc à
Notre-Dame du Charmaix le plus tôt que se pourra: les syndics offriront deux
flambeaux de cire blanche d'une livre et demie chacun; on y célébrera une messe
chantée et une messe basse ; 3 ° une procession à
184
Bonne-Nouvelle
où sera célébrée une messe chantée et offert par les syndics dix florins de
Savoie pour la réparation du sanctuaire.
De
Bonne-Nouvelle, on se rendra processionnellement à la cathédrale pour y vénérer les reliques de Saint J ean-
Baptiste, ensuite à l'église des Pères
Capucins, où les syndics offriront un quarteron de beurre et un fromage pour
l'entretien des pieux religieux.
Comme
l'église de Fontcouverte était trop petite pour la population, on promet de
l'agrandir dans deux ans, si c'est possible.
Le
procès-verbal de l'assemblée est signé par le notaire Claraz, l'auteur du
mémoire que nous venons d'analyser.
Si
l'on voulait fouiller les archives de nos paroisses, on trouverait, dans la
plupart, de semblables manifestations religieuses pour apaiser la colère du
ciel. Le 5 septembre 1630, les habitants de Lanslebourg firent le vœu d'élever,
si la peste cessait ses ravages, une chapelle au lieu dit les Glaires, en
l'honneur des saints Cosme et Damien, charitables médecins de leur vivant, et
d'y faire célébrer, annuellement et à perpétuité, une messe chantée à chacune
des sept fêtes de Notre-Dame.
A
Sollières, le 25 août 1630, jour où
la peste atteignit le maximum d'intensité, la population, sur la proposition
des deux syndics et du conseil, fit le vœu de représenter l'histoire de Saint Etienne martyr, patron de la paroisse; de fêter
solennellement et à perpétuité, comme fêtes d'obligation, celles de Saint
Sébastien et de Saint Roch; de faire construire au village de l'Envers, sous le
vocable de ces deux saints, une chapelle où leurs images seront peintes ; de
faire élever une grande croix auprès du ruisseau de Bonnevie, où l'on ira en
procession, tous les ans et à perpétuité, le lundi des Rogations.
Ces
vœux furent unanimement adoptés par le peuple assemblé, par élévation des mains
et à genoux (1).
Le bourg de La Rochette, qui faisait partie du
diocèse de
(I) Congrès des Sociétés
savantes de la Savoie, tenu à Annecy en 1901. p. 104.
185
Maurienne
avant la Révolution, eut plus de 260 décès de personnes adultes. Les survivants
se vouèrent à Saint Sébastien et promirent de faire chaque année une procession
générale autour des Curtines et d'observer le jour de sa fête, le 20
janvier, comme une fête d'obligation. Pendant deux siècles le 20 janvier fut
célébré solennellement comme « fête du
vœu de la ville » (1).
C'est à cette époque, et en témoignage de reconnaissance,
que furent bâties un grand nombre de chapelles dédiées à Saint Sébastien et à
Saint Roch.
(1)
Fr. BERNARD: Histoire du Décanat de la
Rochette. Chambéry, 1931, p. 196.
Document 2
Notice sur la peste qui a affligé le diocèse de Maurienne en 1630
"Les registres des baptêmes, mariages et décès du diocèse de Maurienne pour l'année 1630 ayant été conservés presque en entier aux archives de la chancellerie épiscopale, il est facile de vérifier les ravages que la peste y a causés cette même année. Un petit nombre de cas de cette terrible maladie y ont été observés d'abord durant les mois de mai et de juin ; son plus grand développement a eu lieu ensuite pendant ceux de juillet, d'août et de septembre ; ce n'est qu'au mois de décembre qu'elle a entièrement cessé. Elle a commencé à sévir dans les paroisses de la Haute-Maurienne (...) Elle envahit ensuite en très peu de temps toutes celles qui sont situées sur la route, depuis Modane jusqu'à Aiguebelle ; et en moins de trois semaines elle pénétra dans presque toutes les communes de la province (...) Celles des Cuines et des Villards, qui se trouvent isolées sur la rive gauche de l'Arc, sont les seules qui aient été épargnées. Celles dont la position est naturellement humide et insalubre n'ont pas été plus maltraitées que celles qui jouissent de l'air le plus vif et le plus pur. On voit par le tableau* que, sur les 52 paroisses dont on a conservé les registres, il n'y en a guère que cinq ou six qui n'aient pas été envahies par la contagion en 1630. (* page suivante)
Le nombre de décès, dans ce diocèse, est actuellement de 27 par an sur 1000 habitants ; en 1630, il a été de 83, c'est à dire plus que triplé. Les 26 paroisses les plus montueuses ont eu 87 décès sur 1000 habitants, et les 26 les plus basses n'en ont eu que 76, ce qui prouve que la maladie a même sévi avec plus d'intensité dans les paroisses alpines, où l'air est plus vif et plus pur, que dans les localités inférieures, où il est toujours plus humide et plus malsain (...) A Lanslebourg, l'épidémie a enlevé plus d'un tiers de la population (...) A Modane, les décès ont été de 466 sur 962 habitants, c'est à dire que le fléau en moissonna plus de la moitié ; il y périt 200 personnes au mois d'août, et 141 au mois de septembre. Le nombre des morts y était souvent de 11 ou 12 personnes par jour. Pendant que la maladie a sévi, il ne s'y est fait aucun mariage ; lorsqu'elle eut cessé, on en a célébré 56 en trois mois (...) À Aiguebelle, la contagion a fait périr aussi presque la moitié de la population ; à cette époque, elle ne s'élevait pas même à 500 habitants. Les marais des environs n'étaient pas défrichés, et d'un autre côté la route de Montcenis était loin d'être pratiquée comme elle l'est aujourd'hui. D’ailleurs, cette ville avait beaucoup souffert pendant les guerres de François Ier et d’Henri IV. Elle possédait une collégiale, établie en 1254 par Pierre d'Aigueblanche, Evêque d'Herford en Angleterre. Il y mourut en 1630 cinq chanoines et cinq chapelains ; en tout dix prêtres et deux enfants de choeur.
Tous ceux que la peste a enlevés pendant cette année n'ont pas été enregistrés ; on le dit expressément en quelques paroisses. Par exemple, le curé de la paroisse de St-Christophe ne rapporte que vingt décès ; puis il ajoute : et plurimi alii quorum nomina incognita fuere propter morbum contagiosum. A Chamoux, après avoir fait mention de 40 décès, le curé dit : Sunt et alii multi defuncti in hac paroecia Chamosii quorum obitum parentes seu Vicini mihi non retulerunt. En d'autres paroisses les registres cessent tout-à-coup au plus fort de la maladie ; c'est probablement alors le décès du curé qui y a mis fin. La plupart des sépultures se faisaient dans les propriétés particulières, hors des cimetières ; nous en citerons quelques exemples: Fontcouverte, Die 6a novemb. Sepultae fuerunt Lucretia et Joanna filiae Claudii Claraz, et Joanna Clery, et frater ejusdem Joannae sub rape turris. St-Pancrace ; 15a augusti.Defunctae sunt morbo épidémiae Andraeas Champier et Catharina ejus filia quorum corpora sepulta sunt à lergo domus illius. Ibid. , 21a septembr. Defunctus est Georgius Quezel morbo pestis cujus corpus sepultum est ante domum illius. Au Châtel, sur 52 personnes, cinq seulement ont été enterrées an cimetière. La maladie n'épargnait pas les enfans ; on lit ce qui suit sur le registre de la même paroisse : Et triginta parvuli morte contagionis qui fuerunt etiam sepulli extra coemeterium. La même famille perdait quelquefois trois ou quatre personnes le même jour ; les actes des décès en fournissent de nombreux exemples ; nous en citerons quelques-uns. Aussois, 9a augusti. Obüt Maria filia Andrea Gros ; eodem die obüt Ludovica ejus soror ; eodem die eorum mater obüt, lbid., 11a augusti. Tres pueri Stephani Deschaux eodem die obierunt. Villarembert : Hodie 13a novemb. sepulti fuerunt Carolus Darvaz et Ludocica ejus uxor, et Francisca et Joanna filiae ejus, etc. Les actes de décès de la ville de St-Jean-de-Maurienne n'ayant pas été retrouvés, on ne connaît point les ravages que la peste y a exercés ; une circonstance fait conjecturer qu'elle n'a pas été épargnée. Il y avait eu jusque là, à la cathédrale, 40 bénéficiers. Cette année-là, l'évêque les réduisit à 12, par la réunion de plusieurs bénéfices. Probablement il profita de nombreuses vacances que le fléau avait occasionnées. Cette ville et ses environs se trouvaient alors envahies par des troupes françaises (...) Quelques exemples indiquent qu'il y avait des compagnies allemandes parmi les troupes de Louis XIII (...).
Source : Mémoire de la Société Royale Académique de Savoie - Tome VIII, 1837. Extraits pages 191 et suivantes.
Source : Mémoire de la Société Royale Académique de Savoie - Tome VIII, 1837. Extraits pages 191 et suivantes.
Le tableau et la carte ont été élaborés par Luc Fessemaz et extraits de l'Histoire des Fecemaz de Beaune, 2013.
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