La vie de Geneviève Fecemaz (1713-1755) : une union à Saint-Michel-de-Maurienne et deux mariages à Saint-Jean-de-Maurienne

 L'enfance à Beaune

Geneviève est née et baptisée à Beaune le 23 juin 1713. Elle est le sixième et dernier enfant de Damien Fecemaz, son père alors âgé de 46 ans, et de Marie Deléglise âgée de 37 ans. Ses parents se sont mariés à Beaune, une dizaine d’année plus tôt, le 19 juin 1702. Sur les six enfants du couple, trois seulement vont survivre. Son frère aîné François né le 4 décembre 1704, décède deux jours plus tard.  Jeanne née le 13 avril 1706 restera célibataire, et vivra longtemps au hameau du Mollard jusqu’à l’âge de 79 ans. Marie-Antoinette née le 22 juillet 1708 se marie à Beaune avec Jean Georges Perret le 8 janvier 1732, elle n’aura qu’une fille car elle décède âgée de 31 ans, le 31 août 1739. Les deux sœurs suivantes décèdent en bas âge : Mauricette née le 29 septembre 1710 décède 13 jours plus tard le 11 octobre 1710 ; Marie née le 21 janvier 1712 décède au bout de 14 jours, le 3 février 1712. Pour expliquer ces morts précoces, il faut toujours avoir à l’esprit le contexte très difficile de l’époque : les années 1709-1712 sont une période de grande misère marquée par la disette et le froid intense.

L’enfance de Geneviève n’a certainement pas été facile, dans un cadre marqué par la reprise de l’avancée des glaciers dans les montagnes, et le retour des épidémies de peste en 1720 et 1725. Damien, son père, décède le 6 mars 1721 à l’âge de 53 ans. À cette date la famille se réduit à quatre membres : sa mère Marie âgée de 45 ans, sa sœur aînée Jeanne âgée de 15 ans, Marie-Antoinette âgée de 13 ans et Geneviève pas encore âgée de 8 ans. On peut imaginer cependant qu’elle puisse compter sur l’entraide de Louis Fecemaz (1671-1725) et Joseph Fecemaz (1676-1756) frères cadets de Damien. L’oncle Louis est parrain de Jeanne, sa femme Marie Bois est la marraine de Geneviève, l’oncle Joseph et sa femme Marie Pomard sont parrain et marraine de Marie-Antoinette.

 Par la suite, le parcours biographique de Geneviève est singulier, elle ne s’est pas mariée à Beaune ou dans une commune voisine comme Saint-Martin-la-Porte, mais elle va connaître à l’âge de 23 ans une union illégitime à Saint-Michel-de-Maurienne qui va se traduire par la naissance d’un enfant, et elle partira ensuite à Saint-Jean-de-Maurienne pour s’y marier deux fois et y finir sa vie.

Un enfant naturel à Saint-Michel-de-Maurienne en 1737

Joseph Fecemaz, premier enfant illégitime de Geneviève est baptisé à Saint-Michel-de-Maurienne le 7 février 1737. Il porte le nom de sa mère et le prénom de Joseph Bernard dont on peu penser qu’il est le père naturel. La déclaration de naissance est faite par Anne-Marie Courtois (1684-1764) veuve de Barthélémy Didier, en présence de deux témoins qui représentent vraisemblablement les autorités locales : le révérend Jean-Baptiste Fournier et le notaire Claude Grange, et de Christophe Didier fils de Michel de la paroisse de Saint-Michel. Né en février, l’enfant a été conçu environ neuf mois plus tôt, an mois de mai 1736, peut-être à l’occasion de la foire de printemps à Saint-Michel qui rassemble les habitants de communes proches mais aussi des vallées voisines de la Maurienne…

Ce qui est plus certain c’est que dans l’ambiance religieuse de l’époque, Joseph l’enfant illégitime n’a pas eu droit à la sonnerie des cloches de l’Église et la pauvre Geneviève a du subir la réprobation de son entourage pour sa faute. Pour ce qui est de la suite de l’histoire, le devenir de l’enfant est inconnu et il n’y a pas de trace d’un décès précoce dans les registres de Saint-Michel ou de Beaune. En ce qui concerne Geneviève, on peut comprendre qu’elle ait cherché à s’éloigner de son milieu d’origine pour essayer de refaire sa vie. Elle décide alors de quitter Beaune pour Saint-Jean-de-Maurienne, ville épiscopale siège du diocèse de Maurienne et carrefour économique de la vallée.

Deux mariages à Saint-Jean-de-Maurienne en 1744 et 1753

On ne peut dater précisément la date de cette migration d’une vingtaine de kilomètres en aval de la vallée, mais on retrouve Geneviève sept ans plus tard, à l’occasion de son premier mariage avec Noémi Buttard, le 11 février 1744 à la paroisse Notre-Dame. Geneviève est alors âgée de 30 ans et Noémi de 28 ans.

Noémi est le second des six enfants de Jean Buttard et Dominique Mestrallet, mariés à Hermillon le 11 août 1712. Hermillon est une commune voisine de Saint-Jean, située au nord-est sur la rive droite de l’Arc. À titre de comparaison en 1759 (date du recensement pour la consigne du sel), Saint-Jean-de-Maurienne est la commune la plus peuplée de la Maurienne avec 1897 habitants, Saint-Michel-de-Maurienne compte 1099 habitants, Hermillon 436 et Beaune 375. Noémi est né à Hermillon le 27 octobre 1715, et son frère aîné Georges l’y a précédé le 20 septembre 1713. Par contre les quatre autres enfants de la famille sont nés à Saint-Jean de 1723 à 1736, ce qui prouve que les parents de Noémi ont quitté leur village d’origine pour venir s’y installer.

Le couple formé par Noémi Buttard et Geneviève Fessumaz (le nom de Fecemaz est orthographié différemment dès que l’on sort de la commune de Beaune) a eu deux enfants : un fils, Henri Buttard né le 25 mai 1747, et une fille, Marguerite Buttard née le 1er décembre 1750.

Le malheur s’abat sur Geneviève l’année suivante car elle perd tous les membres de sa famille. Le 18 janvier 1751, Noémi Buttard décède âgé de 36 ans ; puis le 1er mars 1751 c’est le tour de Henri âgé de 4 ans. Geneviève de nouveau seule, et dans l’obligation de travailler pour survivre, ne peut certainement pas élever sa fille Marguerite alors âgée de quelques mois. Elle décide de l’envoyer à Beaune, son village d’origine où vivent encore sa sœur aînée Jeanne et quelques parents. Il est probable que l’enfant ait été mis en nourrice, et comme trop souvent dans cette situation, il décède à Beaune le 8 décembre 1751 âgé d’à peine un an.

Cette succession de décès est à replacer dans le contexte de l’invasion et de l’occupation de la Savoie par les troupes espagnoles de janvier 1743 à février 1749. La Savoie connaît alors une des périodes les plus sombres de son histoire car les exigences de l’occupant sont exorbitantes : la population est frappée par des impôts et des prélèvements en nature insoutenables. Avec en plus des mauvaises récoltes et des épidémies qui ravagent le bétail, le pays se retrouve au bord de la famine.

Dernière étape de la vie de Geneviève, après deux ans et demi de veuvage, le second mariage avec Claude Vallin le 4 juin 1753 à la paroisse Saint-Christophe.  Claude Vallin est le sixième et dernier enfant de François Vallin et Antoinette Montaz qui se sont mariés à Saint-Jean-de-Maurienne le 13 octobre 1686. Claude est né à Saint-Jean le 18 mars 1701. Il s’est marié une première fois avec Marie Truchet le 15 juillet 1726. Il est alors âgé de 25 ans, mais sa femme a 12 ans de plus que lui. De ce premier mariage, il n’aura qu’un fils François Vallin né en 1729. Après la mort de sa première femme, Claude se marie une seconde fois avec Jeanne-Marie Tardy le 1er décembre 1745. Le couple a un enfant mort-né le 29 août 1748 et Jeanne-Marie décède à son tour le 2 décembre 1751. Geneviève est donc la troisième épouse de Claude Vallin. Le couple n’aura pas le temps de durer. Le 9 mars 1755 est né Georges Antoine Vallin, avec pour parrain Georges Buttard, frère aîné du premier mari de Geneviève. Ce choix permet de créer un lien entre la famille Buttard et la famille Vallin. Mais, deux jours plus tard, le 11 mars 1755 Geneviève décède à son tour des suites de son accouchement. Elle n’est pas encore âgée de 42 ans. Le devenir du nouveau né est inconnu, mais on peut encore faire l’hypothèse qu’il a été confié à une nourrice et qu’il a peu de chance qu’il ait survécu, même si aucun acte de décès le concernant n’a été retrouvé.

Quatre ans plus tard, lors du recensement pour la consigne du sel de novembre 1759, on comptabilise dans le feu n°413 Claude Vallin tisserand, François son fils, Marie Freney sa belle-fille, Joseph son petit-fils âgé de trois ans, et deux vaches. En fin de registre on comptabilise dans le feu n°499 Buttard Georges, Geneviève feu Riboud sa femme, Claude leur fils de deux ans, et trois vaches. L’histoire se termine par le décès de Claude Vallin, le 17 mars 1760, âgé de 58 ans.

Ainsi s’achève sans descendance le parcours familial de Geneviève qui ressemble plus à une tragédie qu’à une vie paisible et heureuse.

Source : Histoire des Fecemaz de Beaune, ouvrage de Luc Fessemaz, 2013, pages 100-101.

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