Les curés d'Epierre

 Les curés d'Épierre de 1561 à 1860

 Article inachevé. Les biographies de la vingtaine de curés d'Epierre seront progressivement mises en ligne. Première édition mercredi 1 novembre 2023. Luc Fessemaz.

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Épierre est une petite paroisse de Basse Maurienne occupant une position stratégique favorable au croisement de la route qui mène au col du Cucheron et de la route qui suit la vallée de l'Arc d'Aiguebelle à Saint-Jean-de-Maurienne. On y trouve un château qui appartenait au Moyen Age au seigneur de La Chambre et l'économie se développe autour d'activités métallurgiques (fonderie et clouterie). La population a tendance à augmenter sur la période, elle passe de seulement 188 habitants au recensement de 1561, à 313 habitants au recensement de 1758 et 531 habitants au recensement de 1861.

La position des prêtres dans la Savoie d'autrefois

" Quand le pouvoir central n'étendait ni son bras ni son œil jusque dans les replis de nos montagnes, le seul, chef réel et immédiat, le seul directeur effectif de chacune de ces petites peuplades groupées autour d'un clocher, était le curé.
Citation extraite du chapitre XII La commun et la paroisse, de l'ouvrage Histoire de la Maurienne, Tome II (du XIVe siècle au XVIIe siècle) page 111. Auteur : Chanoine Adolphe Gros (1864-1945).

" En réalité , par-delà les inévitables tracas du quotidien, la position du prêtre était avantageuse et enviable. Nos curés vivent à l'abri du besoin, ils font des économies, ils appellent à leurs côtés des neveux et nièces qu'ils aident à faire de beaux mariages. La plupart du temps, ils jouent dans la paroisse un rôle de médiateurs apprécié de tous. Leur correspondance, leurs testaments ainsi que les inventaires attestent un honnête niveau culturel, un confort relatif et une vie somme toute agréable".
Citation extraite de "Curés des villes, curés des champs" Chapitre 1 Vivre au pays de l'ouvrage La vie quotidienne en Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècles, Jean et Renée Nicolas, éditions La Fontaine de Siloé, 2005, pages 47-51. 
 
" Malgré le philosophisme et Voltaire à Ferney, la religion était, elle aussi, puissante autant que jamais. Instruit et, dans son ensemble, irréprochable de conduite, le clergé séculier, évêques et prêtres, dirigeait la jeunesse et les familles. (...). Par contre, le régime du temporel ecclésiastique causait d'aussi nombreuses plaintes que les redevances et les impôts. Les villageois trouvaient la dime pesante ; ils pensaient que le revenus de leurs terres propres et les recettes du casuel eussent dû  permettre aux curés d'assurer les dépenses du culte, de l'instruction religieuse et des charités paroissiales sans que la dîme vint s'y ajouter. Des laïques avaient pris cette dîme en fermage, des communautés et des chapitres de chanoines en étaient les bénéficiaires."
Citation extraite de la Quatrième partie : Les temps modernes, Chapitre V : Charles-Emmanuel III, paragraphe sur l’Église dans l'ouvrage Histoire de la Savoie, Henri Menabrea, 37e édition La Fontaine de Siloé, janvier 2017, page 398.

Liste chronologique des curés d'Epierre

Le curé d'Epierre en 1561

Le plus ancien prêtre de la paroisse d’Epierre que l’on puisse identifier est celui qui figure dans le recensement pour la gabelle du sel effectué en ce lieu le 18 avril 1561 : il s’agit de Messire Claude ULLIET. Il n’a pas de personnel de service (chambrière ou serviteur) mais il vit avec sa nièce Jeanne qui doit remplir cette fonction. Il possède trois vaches et cinq chèvres. Le recensement d’Epierre n’indique pas le lieu d’habitation, mais il s’agit certainement du hameau de l’Église. Source : Archives de Savoie, consigne du sel SA 2042 vue 5/9 . Pour plus de détails sur le recensement de 1561 à Épierre, consulter l’article consacré à ce sujet sur ce blog.

https://archives-numeriques.savoie.fr/v2/ark:/77293/669532ec0285bea0

 Le curé d'Epierre en 1570

Le procès-verbal rédigé en latin de la visite pastorale de l'évêque Pierre de Lambert, du 22 septembre 1570, indique que le curé d'Epierre est Ayme BALTERENS (patronyme incertain). Nous n'avons pas d'autres informations le concernant. Source : Archives de Savoie, cote 3G 59 : visites pastorales 1570-1571, vue 44/113.
 

" L'église d'Épierre, située au-dessus du château, fut brûlée par Lesdiguières en 1597. Elle était encore couverte en chaume quand elle fut visitée par Mgr Millet, en 1607 ". Source : La maison de Seyssel : ses origines, sa généalogie, son histoire : d'après les documents originaux. Tome 2 par le Cte Marc de Seyssel-Cressieu  (1861-1922). Éditions Allier frères (Grenoble), 1900.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5686858g/f527.image.r=%22cur%C3%A9%20d'Epierre%22epierre?rk=64378;0#

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A partir de 1622, on peut établir une liste de 18 prêtres qui se sont succédés jusqu'en 1860. Les informations proviennent des registres paroissiaux où les prêtres inscrivent les baptêmes, les mariages et les enterrements. Chaque registre comporte la signature du prêtre et précise le plus souvent s'il exerce la fonction de vicaire ou de curé de la paroisse. 

1. Dominique GRANGE (?<1622-1629)

Les registres paroissiaux les plus anciens du diocèse de Maurienne remontent à l'année synodale allant de mai 1622 à avril 1623 (Archives de Savoie, cote 3E 279 vues 69-70). Ce registre indique que le curé d'Epierre est Dominique GRANGE. Si on compte environ 25 ans pour devenir prêtre et quelques années pour accéder à la cure d'Epierre, on peut supposer que notre curé est né avant 1590. Le patronyme est trop courant pour pouvoir en proposer une origine géographique unique, on peut cependant avancer que lors du recensement pour la gabelle du sel de 1561, il est le plus fréquent dans 4 paroisses : 13 fois à Bonvillaret et Valloire, 9 fois à Jarrier et 7 fois à Saint-Jean-d'Arves (*). On remarquera qu'une cinquantaine d'années après notre premier curé, il y aura un onzième successeur Jean-Michel GRANGE né à Jarrier. Il y a ensuite une lacune de 5 années dans les registres, et on retrouve la signature de Dominique GRANGE dans le registre de 1628-1629 (3E 280). 

Signature de Dominique GRANGE curé d'Epierre, année synodale 1622-1623. Source : Archives de Savoie Epierre 3E 279 vue 70/183.
 

(*) Les noms de famille mauriennais, origine et localisation d'après la consigne du sel de 1561. Daniel DÉQUIER, Jean-Marc DUFRENEY, Marie-Claire FLORET, Jean GARBOLINO, Ginette PARET. 4e trimestre 2000, imprimerie Roux, page 220.

 2. Étienne TORNA (1729-1730)

Dans le registre suivant, c'est l'économe Étienne TORNA qui fait office de curé d'Epierre de mai 1629 à avril 1630. On peut supposer que sur cette période Dominique GRANGE est âgé et malade car il est enterré par Étienne TORNA le 15 février 1630. 

 

 "Le 15 du mois de février à été enterré Révérend don Dominique de GRANGE curé d'Epierre par moi Etienne TORNA économe". Source : Archives de Savoie Epierre 3E 281 vue 157/246

Signature du registre de l'année synodale 1629-1630 par Etienne TORNA économe de la cure de l'église Notre-Dame d'Epierre. Source : Archives de Savoie Epierre 3E 281 vue 157/246

Il est impossible d'établir une filiation, mais on peut observer que le patronyme de TORNA est bien implanté à Modane et qu'il est présent à Saint-Jean-de-Maurienne d'après le recensement de 1561. On ne dispose pas des registres pour les deux années suivantes. L'absence de registre sur la période 1630-1631 pour Épierre (3E 282) est une lacune importante dans la connaissance des variations démographiques de la paroisse car elle correspond à l'épidémie de peste qui frappe la Maurienne et en particulier les paroisses voisines d'Argentine et d'Aiguebelle (consultez l'article du blog consacré à la peste de 1630). 

Étienne TORNA est encore vivant le 26 octobre 1632 car il est parrain en tant que simple prêtre (venerabilis dominus) , mais il n'exerce plus dans la paroisse (3E 283 vue 180/317). On ne connaît pas la date de son décès.

3. Jean PERRIN (1632-1636?)

Jean PERRIN est vicaire de Mongellafrey pour le Chapitre de La Chambre depuis au moins mai 1622 jusqu'en avril 1631. Il semble terminer son vicariat après l'épidémie de peste qui frappe la Maurienne mais qui n'est pas intense à Montgellafrey où il n'enregistre que 14 décès. Signature des registres : 3E 279 1622-1623 vue 42/183 ; 3E 280 1628-1629 vue 172/303 ; 3E 281 1629-1630 vue 131/246 ; 3E 282 1630-1631 vue 194/303. 3E 283 Il n'y a pas de registre à Mongellafrey en 1632-1633.

Il n'y a pas de registres à Épierre de mai 1630 à avril 1632, car il semble que le curé du lieu décédé en 1629 n'ait pas été remplacé et ensuite il y a l'épidémie de peste dont on ne sait rien sur cette paroisse. On retrouve Jean PERRIN curé d'Epierre (provisoire ?) de mai 1632 à avril 1633 : signature du registre 3E 283 vue 180/317 et il est ensuite trois fois parrain en tant que vénérable prêtre en août et septembre 1633 3E 284 vue 195/302. Par la suite les registres des années 1633-1636 ne comportent pas de signature apparente mais l'écriture ressemble à celle de Jean PERRIN...

Dans le registre 3E 316 vue 136/241, on peut lire :  « Registre des naissances et des sépultures de la paroisse d’Epierre pour les années 1637-1638 trouvé dans les papiers de la famille FAVERGEAT en 1844 par moi Camille FORAY de St Alban d’Hurtières, greffier et vice président de la société d’Histoire et d’Archéologie de la Maurienne , 19 mars 1859. » Il s’agit d’une erreur de paroisse.

L’écriture est difficile à déchiffrer, mais les patronymes sont inconnus d’Epierre, les prénoms sont variés et il y a de nombreux notaires (égrèges). En comparant les registres on reconnait l’écriture du curé Hugo HUMILIUS de la paroisse de Saint-Marcel de La Chambre (voir sa signature 3E 286 vue 124/301).
En conséquence, ayant écarté cette source, il y a une lacune chronologique entre le registre qui se termine en mars 1636 (3E 286) et le registre suivant qui commence en avril 1644 (3E 287) et on ne sait pas à quelle date se situe le passage de la cure d'Epierre au prêtre suivant. 

Aucune filiation n'a pu être établie concernant Jean PERRIN : est-il de la famille de Catherin PERRIN de Saint-Martin-sur-la Chambre dont le fils Benoît PERRIN est curé d'Epierre depuis au moins octobre 1643 ?

4. Benoît PERRIN (1643?-1655)

 Absence de registres paroissiaux à Épierre de mai 1655 à avril 1656

5. Antoine GIRAUD (1655-1659?)

Le patronyme de GIRAUD est relativement courant, de même que le prénom Antoine, en conséquence rien n'a été trouvé concernant la filiation. Il existe cependant une famille GIRAUD à Épierre et Antoine pourrait être un fils de Jacques GIRAUD (1590-1645). Cette hypothèse est concevable car Antoine est parrain le 24 septembre 1656 de Joseph fils de Claude SALOMON notable en tant que maître de poste d'Epierre et également parrain le 3 mars 1658 d'Antoine fils de Claude GIRAUD (1627-1669, frère cadet ?).

En ce qui concerne sa fonction à Épierre, un document nous renseigne que le 21 mai 1655 Me Antoine PARRAZ praticien bourgeois de la cité est nommé pour remplacer Antoine GIRAUD au poste de professeur régent au collège Lambert de Saint-Jean-de-Maurienne, ce dernier partant en poste à la cure d'Epierre *. Les registres de l'année 1655-1656 n'étant pas disponibles, les informations concernant la paroisse d'Epierre portent sur les 3 années suivantes. Le premier acte d'Antoine GIRAUD est un mariage effectué le 21 mai 1656 et son dernier acte est aussi un mariage effectué le 24 avril 1659. Sur cette période il a effectué 65 baptêmes, 20 mariages, 48 enterrements soit un total de 133 actes. On retiendra en particulier l'enterrement le 10 octobre 1658 de noble Paule LANFREY veuve de Gaspard DE LA VILANNE châtelain d'Epierre (3E 316 vue 112/241). 

* Travaux de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la province de Maurienne, édition 1885 page 75, en ligne sur Gallica.

On ne sait rien pour les 3 années suivantes car les registres paroissiaux ne sont pas disponibles pour l'ensemble du diocèse de Maurienne. Il est possible qu'Antoine GIRAUD soit décédé à Epierre sur la période.

 Absence de registres paroissiaux à Épierre de mai 1659 à avril 1662

6. Jean DE FONTAYNES (1662-1663)

 La filiation de Jean DE FONTAINE n'est pas connue. On suppose qu'il est né vers 1635, année de naissance calculée avec un âge de vicaire d'environ 27 ans à Épierre. Son premier acte est un enterrement effectué le 17 avril 1662 et son dernier acte un mariage effectué le 16 avril 1663. Sur cette période d'une année il a effectué 21 baptêmes, 7 mariages et 27 enterrements, soit un total de 55 actes.

On retrouve un Révérend Jean DE FONTAINE curé de l'église Sainte Thècle du Bourget-en-Huile sur la période 1680-1688 et son inhumation le 14 juin 1688 (3E 309 vue 76/248) à un âge d'environ 53 ans.

7. Charles ARBESSIER (1663-1675) 

 Le patronyme ARBESSIER en Maurienne est originaire d'Hermillon, en patois il désigne un arbuste appelé Alisier blanc est dont le fruit est semblable à celui du sorbier. Le prénom Charles est peu répondu sur la période à Hermillon mai on repère dans les registres un Charles BUTTARD contemporain du curé. La filiation de Charles n'est pas connues mais on peut supposer qu'il s'agit d'un frère aîné de Jean fils de Jean ARBESSIER né en 1634 et qui a vécu à Épierre (sa femme Antoinette y est décédée le 3 mars 1667 3E 316 vue 95/241 et il est parrain de Jean MAGNIN le 19 décembre 1673 3E 316 VUE 73/241). Il était fréquent qu'un curé fasse venir dans sa cure des membres de sa famille pour l'aider à gérer son activité. L'année de naissance de 1623 est purement indicative, elle suppose une ordination à environ 25 ans et une quinzaine d'années de vicariat avant d'obtenir la cure d'Epierre en 1663.

Le premier acte religieux de Charles ARBESSIER à Épierre est un baptême le 6 mai 1663 et son dernier acte est un mariage le 6 mai 1675. Sur cette période de 12 années il a effectué 229 baptêmes, 59 mariages et 222 enterrements, soit un total de 510 actes religieux. D'un point de vue démographique on observe un relatif équilibre entre les baptêmes et les enterrements situés à environ 19 par année. Comparativement avec les périodes suivantes, le nombre de mariages est relativement élevé avec presque 5 mariages en moyenne par an. Dans les registres les actes qui concernent les personnes extérieures à la paroisse ne sont pas faciles à identifier complétement. On notera qu'à partir de mai 1671, le nom de la mère figure dans les actes de baptêmes alors qu'avant elle n'était identifiée que par son prénom. On note aussi de nombreux baptêmes et enterrements d'enfants sans que le sexe et le prénom soient indiqués, ce qui est l'indice d'une mortalité infantile élevée.

La date et le lieu d'inhumation du curé Charles ARBESSIER ne sont pas connus, mais on suppose qu'il est décédé à Épierre après le 6 mai 1675, ce qui lui ferait un âge d'environ 52 ans.

 Absence de registres paroissiaux à Épierre de mai 1675 à janvier 1676

8. Jean Michel ALBRIEU (1676-1677)

Jean-Michel ALBRIEU est baptisé le 21 avril 1651 à Saint-Jean-de-Maurienne. il est le troisième enfant sur un total de huit du couple d'égrège Petremand ALBRIEU et Jeanne fille de feu François GUILLE mariés à Saint-Jean le 14 janvier 1646. Epierre est probablement son premier poste car c'est un jeune vicaire de 25 ans qui va exercer en ce lieu pendant 16 mois : son premier baptême est effectué le 5 janvier 1676 et son dernier baptême le 14 mai 1677. Sur cette période il réalise 23 baptêmes, 16 mariages et 49 enterrements, soit un total de 88 actes religieux. D'un point de vue démographique, le nombre de baptêmes est dans la moyenne annuelle de ce que l'on observe sur la période séculaire (1662-1762), par contre on note environ 3 fois plus de mariages et 2,5 fois plus d'enterrements sans que l'on puisse avancer d'explications, si ce n'est pour les mariages un effet de rattrapage lié à l'absence de prêtre à Epierre, de mai 1675 à janvier 1676.

Par la suite on retrouve Jean-Michel ALBRIEU comme curé de Coise de 1684 à 1713 (registre 3E 399) et curé de Sainte-Marie-de-Cuines de 1713 à 1718 (registre 3E 304). Il est inhumé le 28 septembre 1718 à l'âge de 67 ans. Dans le tabellion de La Chambre de 1718 il a été trouvé une quittance en date du 23 septembre 1718 et il est indiqué en fin de texte que "le Révérend Jean Michel ALBRIEU a déclaré ne pouvoir signer à cause de son infirmité dont il est retenue au lit" (2C 2224 vue 461/516). On a pas trouvé de testament ni dans le tabellion de La Chambre ni dans le tabellion de Saint-Jean.

9. Victor Amédée CARREL (1677-1682?) 

Absence de registres paroissiaux à Épierre d'avril 1682 à mars 1685

10. Jean Michel GRANGE (1685-1701)

Jean-Michel GRANGE est baptisé à Jarrier le 1er avril 1652, il est en réalité l'ainé d'une fratrie de 12 enfants nés de Louis GRANGE (+/-1625-1678) et Vincente REYMOND (+/-1625-1703), le premier enfant Etienne étant mort né le 25 octobre 1650. Faut-il voir un signe du destin dans son prénom qui est celui de son parrain Révérend Jean Michel GADEN prêtre et vicaire de Jarrier pendant presque un demi siècle de 1652 à 1700. On ne sait rien de la formation de Jean Michel GRANGE, dans les documents il est qualifié de théologien, il a donc un titre de docteur obtenu dans une faculté. Il est probablement ordonné prêtre autour de 1677, âgé d'environ 25 ans. 

Curé de Saint-Rémy de mai 1681 à avril 1685

La première affectation qu'on lui connaisse est celle de la cure de Saint-Rémy-de-Maurienne qu'il commence par le baptême d'une fille illégitime qu'il ne date pas, mais que l'on peut penser aux environs de mai 1681 (3E 417 vue 93/309). Saint-Rémy étant une paroisse assez important, il est secondé par Révérend Alban FRASSON, qui en son absence fait un baptême le 31 juillet 1681. L'écriture des registres n'est pas toujours limpide et il lui arrive d'écrire en français et non en latin comme dans le baptême ci-dessous.

 

"Le trente octobre (1682) j’ai baptisé Christophe fils de Julien ORSET et de Jeanne sa femme, son parrain a été honorable Christophe CLAPIER châtelain de Saint-Rémy et marraine Anne Marie CLAPIER femme de Maître Antoine GIRARD curial de Saint-Rémy". J.M. GRANGE curé. Source : Archives de Savoie Saint-Rémy, 3E 417 vue 98/309.

Son père Louis GRANGE, étant décédé vers 1680, sa mère Vicente REYMOND est partie vivre à la cure de Saint-Rémy avec son fils le plus jeune Pierre né en 1675 et éventuellement d'autres enfants non mariés dont je n'ai pas trouvé de traces dans les registres. Les preuves de cette présence familiale sont Pierre Grange est inhumé à Saint-Rémy le 1er septembre 1675, âgé de 7 ans (3E 417 vue 100/309) et que Jean Michel GRANGE et sa mère veuve de Louis sont parrain et marraine le 7 janvier 1683 à Saint-Rémy. Les registres de Saint-Rémy ne sont pas disponibles du 11 mai 1683 au 17 avril 1685. On peut supposer qu'ils ont été perdus mais que ces deux années sont aussi administrés par Jean Michel GRANGE avant sa nomination à Epierre.

" Le sept janvier 1683, Révérend Alban FRASSON de la Chapelle Saint-Claude et Notre-Dame-de-la-piété de cette paroisse a baptisé Jean Michel fils de Jean Pierre MOLAR(D) et Marguerite, parrain moi curé sur et sous écrit (Jean Michel GRANGE) et Vincenda (Vincente REMOND) femme de Louis GRANGE ma mère". Source : Archives de Savoie Saint-Rémy, 3E 417 vue 98/309.

Curé d'Epierre d'avril 1685 à décembre 1701

Le 2 avril 1685 Jean Michel GRANGE prend possession de la cure d'Epierre (voir le texte qu'il a rédigé sur les registres). 

« Le second avril de l’année 1685, j’ai pris possession de la cure d’Epierre et je prie Dieu qu’il me fasse la grâce que je m’acquitte bien de mon devoir, que je puisse mériter son paradis et le procurer à mes brebis, par la parole, l’exemple et le travail. Amen. » Source : Archives de Savoie Epierre 4E 2439 vue 14/128

Il est probable que les paroissiens d'Epierre l'attendait avec une certaine impatience compte tenu de l'instabilité des prêtres occupant le poste sur la décennie précédant et de l'absence de registres d'avril 1682 à mars 1685 (pertes des registres ou absence de nomination ?). Ils entendant que leur nouveau curé respecte à la lettre les "coutumes d'Epierre" et ont a cet effet envoyé une requête à l'évêque de Maurienne  qui décline en 20 articles les règles à respecter.

" A Monseigneur l'Illustrissime et révérendissime seigneur évêque de Mourienne et prince..., etc.

Supplient humblement les sindycs, conseillers et communiers d'Aypierre. Qu'il plaise à V. G. ordonner à révèrent Messire Jean-Michel Grange qui a été nouvellement pourvue de la cure du dit lieu d'Aypierre d'observer dans sa fonction tout ce que les précédents curés ont été en coutume d'observer et c'est en suivant et en conformité des articles cy joints afin que rien ne soit innové et suivant aussy l'acte cy joint du 3 du présent mois signé Montallier notaire et sur ce plaise, pourvoir. Signé Salomon au nom de la dite communauté. " (20 articles sur le document ci-dessous)

Source : Travaux de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Maurienne, édition 1878, vues 351 à 355/910

La lecture des instructions détaillées montre le caractère procédurier des ancêtres Savoyards : inventaire et bon usage des meubles de la cure, tarif et organisation des enterrements, usage et fourniture du luminaire des autels de l’église, paiement des messes, obligation de faire toutes les processions, usage des offrandes, organisation des chants, horaires des messes, rétributions des messes d’accouchement et des baptêmes, fourniture des cordes des cloches.

Jean Michel GRANGE va exercer son ministère à Epierre pendant 16 ans. Cette période du début du règne du duc Victor-Amédée II sont des années difficiles : une dizaine d'hivers prolongés entrainent un forte hausse du prix des grains et de la pauvreté, et dans le même temps la Savoie subit une quatrième occupation française de 1690 à 1696 qui par ses réquisitions en nature et ses lourdes impositions épuisent le pays. () La famille de Jean Michel GRANGE continue de graviter autour de la cure. En plein hiver, le 10 janvier 1691, curé d'Epierre enterre son jeune frère André GRANGE, "fortifié pas les sacrements, âgé de 21 ans et 5 mois, repose en paix" (4 E2439 vue 50/128). Un autre frère, Etienne GRANGE (+/-1653-1698) est parrain à Epierre le 29 septembre 1694 (4E 2439 vue 28/128). De même, Andrine GRANGE née en 1668 à Jarrier, cousine germaine et fidèle servante, est cinq fois marraine à Epierre de 1695 à 1700. Les registres paroissiaux sont biens tenus, y figurent parfois une liste de 9 témoins pour les mariages alors qu'en général cela se limite à citer deux témoins. Pour les enterrements, la cause du décès est indiquée quand celle ci est accidentelle. Au total, d'avril 1685 à novembre 1701, Jean Michel GRANGE a célébré 283 baptêmes,  67 mariages et 271 enterrements, soit en moyenne annuelle environ 17 baptêmes, 4 mariages et 16 enterrements.

La cure d'Epierre n'est pas seulement une ressource pour la famille de Jean Michel GRANGE, de par les revenus qu'il en tire elle lui permet de faire de nombreuses opérations de prêts dont on a connaissance par les actes notariés enregistrés auprès de l'administration du tabellion à partir de 1697. J'ai relevé près d'une vingtaine d'actes (obligations ou obligés qui sont des prêts) sur la période de 5 ans allant de 1697 à son décès. Jean Michel GRANGE prête des petites sommes à des veuves (35 à 50 florins), mais il prête aussi au notaire d'Epierre Jean Marie FALCOZ (122 florins et 3 sols), à l'honorable marchand d'Epierre Claude PÉPIN (278 florins), à son confrère curé de La Chapelle Joseph CROSAZ (190 florins). Deux mois avant son décès, Jean Michel GRANGE prête encore une grosse somme de 300 florins à Claude fils de feu Jacques ALBRIEU (Tabellion de La Chambre 2C 2226, feuille 194).

Le 24 novembre 1701 par devant le notaire ducal Jean Jacques MONTALLIER de La Chapelle "s'est établi personnellement Rd Mre Jean Michel GRANGE, théologien curé d'Aypierre, lequel sain par la grâce de Dieu de tous ses sens mémoire et entendement, savoir qu'il soit détenu de certaine maladie corporelle dans son lit, veuillant prévenir à la mort plutôt que d'être d'icelle prenante, a voulu faire ainsi qu'il fait son testament nuncupatif". L'acte déroule ensuite ses dernières volontés : " ordonne le jour de son enterrement être appelés autant de prêtres célébrant la messe que s'en pourra trouver et veut que soit payé à chacun dix-huit sols". Il ordonne ensuite la célébration de dix messes pour le repos de son âme et de celle de ses parents, la réalisation d'une aumône pour les pauvres, un don pour la chapelle de Saint Roch et Saint Sébastien du lieu, un don de 100 florins à la Communauté d'Epierre pour réparer le clocher, un don d'un écu d'or pour l'évêque de Maurienne. Le testateur désigne ensuite ses héritiers particuliers : il commence par sa cousine germaine l'Andraz (Andrine ou Andrée) GRANGE  "en considération des bons et agréables services qu'il a reçu", il lui lègue ces meubles et linges ainsi que 300 florins ; viennent ensuite Denise, Claire et Pernette ses nièces, filles de (feu) Etienne GRANGE ; Vincente fille d'Aimoz VALLET et Pernette GRANGE sa sœur ; Michellaz GRANGE sa sœur veuve de Jean JUILLARD ;  "honorable Vincendaz REMOND sa chère mère", à qui il lège "les fruits et revenus de tous ses biens paternels". Il termine par son héritier universel : Joseph GRANGE son seul frère encore vivant. L'acte et fait et prononcé dans la cure d'Epierre en présence de 7 témoins, tous notables : Joseph CROSAZ, curé de La Chapelle et successeur, un docteur en médecine et un apothicaire bourgeois de Saint-Jean-de-Maurienne, deux marchands d'Epierre, un témoin de Jarrier et le maître de poste d'Epierre bourgeois de Montmellian. (Tabellion de La Chambre, 2C 2226 vue 200/784).

L'enterrement a lieu à Epierre deux semaines plus tard, le 8 décembre 1701: Révérend Jean Michel GRANGE mort à 6 heures de l'après midi est inhumé en présence de Claude ARNAUD, chanoine d'Aiguebelle (3E 316 vue 183/241) et de Benoît GUIGOZ, bénéficiaire de la Cathédrale de Saint-Jean, représentant de l'illustrissime et révérendissime François Hyacinthe de Valeperga de Masino (év^que de Maurienne de 1686 à sa mort en 1736).

Note () Les années difficiles 1684-1720, dans Histoire de la Savoie, sous la direction de Paul GUICHONNET, éditions Privat, 1973, pages 287-293.

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11. Joseph CROSAZ (1701-1711)

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12. Pierre VIOUD (1711-1719)

Pierre VIOUD est baptisé à La Table le 23 novembre 1686, troisième fils de Claude VIOUD (<1647-1709) et Félicie SAVEY (1647-1712). Comme son frère Christophe, il est ordonné prêtre en 1708 (texte plus bas). Il ne connaîtra qu'une cure, celle d'Epierre, qu'il occupe de 1711 à 1719, car il décède à seulement 32 ans. Pierre VIOUD signe son premier acte sur les registres d'Epierre le 25 juin1711 (3E 316 vue 165/241) et son dernier acte le 15 avril 1719 (4E 2439 vue 110/128). Suite au décès de sont père à La Table le 15 mars 1709, sa mère Félicie SAVEY est venue finir ses jours à Epierre. Elle décède à l'âge de 65 ans et il l'enterre le 12 novembre 1712. C'est Christophe VIOUD, curé de Saint-Jean-Pied-Gauthier de 1705 à 1723 qui enterre son frère cadet Pierre à Epierre, le 2 mai 1719.

On retiendra que les registres sont tenus avec une écriture bien lisible et que pour certains actes, Pierre VIOUD donnent des indications complémentaires comme lorsque le baptême se fait à la maison et non à l'église et en cas de décès particuliers (mort subite, inondations...). Avant la fin de la cinquième occupation française de la Savoie (1703-1713), Pierre VIOUD baptise, le 10 mai 1712, François fils de Jean DÉCORSIERE de la paroisse d'Arterra diocèse de la Marche et Claudine CARRÉ de la paroisse de Strasbourg du diocèse d'Alsace, le parrain est noble François de RIVERIE commandant de l'armée française et la marraine Marguerite BLANC (1667-1739), veuve de Pierre FALCOZ notaire et châtelain d'Epierre (*)

Note (*) : pour plus de détails sur cette famille de notables lire l'article Le Château d'Epierre en Maurienne au XVIIIe siècle sur ce blog.

" Tout ce que nous avons dit indique assez clairement que le clergé se dévouait d'habitude à la besogne de maître d'école. Rd Micquet avait sans doute fait la classe aux enfants de La Table. Parmi eux, il sut trouver des successeurs et leur faciliter leurs études dans son presbytère. On remarque, en effet, dans les registres paroissiaux, certains jeunes clercs qui signent des actes à toute époque de l'année comme acolytes ou sous-diacres, puis comme diacres et enfin prêtres. Ils sont d'ailleurs de la paroisse. En voici une liste, incomplète peut-être. Amédée Tissot (?), fils de feu Claude, prêtre en 1712, devint son vicaire à plusieurs reprises, et fut recteur de la chapelle du Villard en 1720-1725. Christophe Vioud, fils de Claude, acolyte en 1704, prêtre le 19 septembre 1705. Pierre Vioud, frère du précédent, prêtre en 1708. Jean-Pierre Durbet, prêtre le 24 septembre 1707. Jean-Pierre Barbier, fils de Paul, prêtre en 1710. Jérôme Manipoud, de Joseph, né aux Tognets en 1688, prêtre le 23 septembre 1713, recteur de la chapelle du Tognet, curé de Saint-Alban d'Hurtières. Jacques Vioud, fils de Joseph et de Nicole Descolle, né en 1708, prêtre en 1732, curé de Bonvillard." 

Source : Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, 1931 p 368

 13. Jean Pierre BARBIER (1719-1731)

14. Barthélémy BIGNETTAZ (1731-1744)

Barthélémy BIGNETTAZ a des origines milanaises par son père et savoyardes par sa mère. Baptisé à La Thuile le 15 janvier 1703, il est le cinquième enfant d'honorable André BIGNETTAZ (BIGNETTE) né vers 1666 à Saint-Ambroise de Milan, décédé à Argentine le 4 avril 1726 âgé d'environ 60 ans, et de Louise GENEVOIS, baptisée à Montmélian le 8 septembre 1667 et décédée à Argentine en février 1720 âgée de 52 ans. Il passe son enfance à La Thuile dans la Combe de Savoie, comme ses autres frères et sœurs. Son oncle, Bernard BIGNETTAZ (1659-1709), frère aîné de son père, s'est marié à Argentine en 1695. Il y est marchand et fermier de Monseigneur l'évêque de Maurienne (1). C'est probablement par son intermédiaire que la famille d'André BIGNETTAZ entre en relation avec la célèbre famille DE CASTAGNERE (CASTAGNERI) d'Argentine. Pour preuves ce lien il y a le baptême à La Thuile de Marie Françoise BIGNETTAZ (1701-1706) dont le parrain est François Maurice de CASTAGNERE (1650-1703) et la marraine Marie DE CASTAGNERE. On peut donc penser qu'après le décès de son oncle Bernard en 1709, la famille d'André vient s'installer à Argentine. On y retrouve Barthélémy âgé de 23 ans comme parrain de sa petite cousine Marie BIGNETTAZ, le 28 octobre 1726. C'est à cette période qu'il effectue ses études pour devenir prêtre car nous avons retrouvé dans le tabellion d'Aiguebelle son titre clérical rédigé le 1er mars 1726 dans la maison d'honorable André son père à Argentine. Ce titre lui confère une pension annuelle de 150 livres de Savoie gagée sur plusieurs parcelles de terre du lieu . Barthélémy BIGNETTAZ devient curé d'Epierre en mai 1731 et il y restera en poste jusqu'à son décès en avril 1744.

Note (1) : historiquement la paroisse d'Argentine est une terre épiscopale du diocèse de Maurienne. Source : Brève histoire du diocèse de Maurienne, pour Mgr Grisella de Rosignan par Rd Savay vicaire général du diocèse. TSAHM 1er janvier 1871, page 39 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k487132r/f44.item

Source : Archives de Savoie Tabellion d'Aiguebelle 2C 2113 vue 91/373
https://archives-numeriques.savoie.fr/v2/ark:/77293/1e2db2a6b5ca85ac

 Le curé BIGNETTAZ possède une écriture agréable à lire mais il lui arrive de se tromper sur les prénoms ou d'utiliser le nom de l'époux au lieu du nom de jeune fille de la la mère ou de la marraine, ce qui peut entrainer des confusions sur les personnes. On observe sur la période de nombreux mariages avec un conjoint étranger à la paroisse et la présence plus fréquente d'un double prénom pour les baptisés. Sous son magistère de 13 années, de mai 1731 à avril 1744, le curé BIGNETTAZ a célébré 48 mariages, soit 3,7 mariages par an ; 179 baptêmes soit en moyenne 14 baptêmes par an  ; 207 enterrements, soit en moyenne 16 enterrements par an ; les trois catégories représentent un total de 434 actes religieux, soit un peu moins de 3 actes par mois. Ces données chiffrées montrent que sur la période la paroisse d'Epierre connaît un déficit naturel (plus de décès que de naissances) en perdant 28 habitants en 13 ans. La croissance de la population d'Epierre ne peut venir que de flux migratoires positifs.

Le 27 janvier 1734, le curé BIGNETTAZ enterre à Epierre sa cousine Marguerite BIGNETTAZ (1695-1734), fille aîné de son oncle Bernard et qui s'était mariée à Argentine le 3 février 1717 avec le châtelain d'Epierre André FALCOZ (1694-1760). Le contrat de mariage avait été rédigé dans la maison de la présidente de Châteauneuf, en la personne de Christine Lucie BERGERE (1657-1733), veuve de Jean Baptiste DE CASTAGNERE (1648-1695).

Le 8 septembre 1738, le curé BIGNETTAZ enterre sa tante et marraine, Jacqueline GENEVOIS, originaire de Montmélian (baptisée le 16 juillet 1678), âgée de 60 ans. Était-elle en visite ou s'était-elle retirée pour vivre auprès de son neveu curé ?

L'imprécision dans la tenue des registres paroissiaux par le curé BIGNETTAZ est illustrée par un fait criminel qui se déroule à Epierre en août 1738. Une dispute tourne mal à la sortie d'un cabaret et Antoine BERARD, ferrier travaillant aux fabriques du sieur Claude SALOMON, originaire d'Arvillard et habitant Epierre est tué par Joseph BUFFON, maître charbonnier du sieur Claude SALOMON, originaire d'Ansosellaz, vallée d'Antrone en Italie (Milanais). Le jugement en première instance est pour le coupable d'être pendu et étranglé, mais l'arrêt du Sénat transforme la condamnation en galères à vie (Source : Archives du Sénat de Savoie). L'acte d'inhumation a lieu le28 août 1738 et il est inscrit Bernard BOUCLIER, rectifié par une note en Antoine. Il y a manifestement confusion entre le patronyme BERARD et le prénom Bernard (Archives de Savoie : registres d'Epierre  4E 2440 vue 32/123 et 3E 316 vue 223/241). A la décharge de notre curé, il faut remarquer que la main d’œuvre employée dans les activités industrielles est le plus souvent extérieure à la paroisse d'Epierre et donc moins connue et moins intégrée. Les charbonniers viennent souvent d'Italie et il y a peut-être une filière de migration en provenance de la vallée d'Antrona car on observe dans les registres l'inhumation de Paul PLAZA, le 3 mai 1733, originaire de cette région du Milanais.

A partir des années 1740, on observe plus de détails dans les registres paroissiaux tenus par Barthélémy BIGNETTAZ : le 21 décembre 1740, au début de l'hiver la montagne tue, Louis PERPEILLE (originaire de Hauteville) et Jacques FRENEY sont morts "ensevelis sous une masse de neige" ; le 5 août 1741 Pierre TRIQUET qui n'est pas originaire d'Epierre est enterré, "il a été lapidé" sans autres explications ; le 6 septembre 1741 Jacques JANOIS d'Allemond en Dauphiné est inhumé, un fils posthume est enterré le 29 septembre, le curé indiquant que son défunt père "vivait avec plusieurs femmes depuis environ un an", le 11 octobre Marguerite sa "fille illégitime et naturelle" âgée de 14 mois est enterrée à son tour, ces exemples illustrent toute la misère sociale qui peut frapper la famille de quelqu'un qui était certainement un simple journalier. Autres illustrations de la fréquence des passages par Epierre dans la vallée de la Maurienne : le 30 décembre 1741 un quidam provenant de Saint-Alban-des-Villards, mais dont le nom est inconnu, est inhumé, de même le 8 janvier 1743 pour le quidam d'une femme de Turin (4E 2440 vues 34/123 à 37/123).

 Epierre et la guerre de succession d'Autriche

Dans la guerre de succession d’Autriche (1741-1748), le roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III (1730-1773) embrasse la cause de Marie-Thérèse, fille de l’empereur Charles VI décédé le 20 octobre 1740, contre la France et l’Espagne. Le roi d’Espagne, Philippe V, qui descendait de Charles-Quint revendiquait l’empire d’Autriche. Plus modeste, le roi de Sardaigne revendiquait le duché de Milan, et moyennant cette cession, promettait son alliance à Marie-Thérèse. La Savoie allait devenir, le théâtre  de la guerre ; l’occupation par les armées d’Espagne pendant six ans étant une des périodes les plus douloureuses à cause du poids des corvées, contributions, et fournitures militaires pesant sur les communes. Le roi d’Espagne décida de porter le guerre en Italie, la France lui donnant l’autorisation de passer sur son territoire. Ne pouvant franchir les cols des Alpes solidement gardés par les troupes de Charles-Emmanuel III, il dirige son armée vers la Savoie. Le 30 août 1742, l’armée espagnoles franchit le Galibier et marche sur Saint-Jean-de-Maurienne occupée par l’infant don Philippe le 6 septembre. Le 8, les Espagnols campent à La Chambre et le 9 à Aiguebelle. Quelques jours après, ils entrent dans Montmélian et dans Chambéry sans aucune résistance. Début octobre Charles-Emannuel III décida, malgré l’approche de l’hiver, une expédition en Savoie pour en chasser les Espagnols. Le 6 octobre 1742, ces derniers se retiraient de Saint-Jean et se repliaient sur le fort Barreaux . Mais les Espagnols ayant reçu des renforts étaient en grande supériorité numérique sur les troupes piémontaises. Charles-Emmanuel donna l’ordre de la retraite fin décembre , une colonne suivit la route de la Tarentaise, et une autre colonne plus importante pris la route de la Maurienne et se trouvait le 29 décembre 1742 au soir à Aiguebelle. Violement attaquée, l’arrière-garde sous le commandement du baron de Loray se hâta d’évacuer Aiguebelle pour se retirer sur Epierre et arriver dans la nuit à Saint-Jean. L’arrière-garde chargée de ralentir la marche des Espagnols engagea un violent combat le 6 janvier 1743 aux alentours de Saint-André, afin de laisser le temps au gros de l’armée piémontaise de franchir le Montcenis. (…)

En août 1743, les Espagnols établirent une énorme capitation payable mois par mois sur tous les habitants de plus de 7 ans des communes de Savoie. Les fournitures et réquisitions militaires en nature continuèrent et il fallait également continuer de payer les impôts au roi de Sardaigne (taille, gabelle et autres). Ainsi pressurée le pays de Savoie était réduit à la plus noire misère et cela durera jusqu’au traité d’Aix-La Chapelle du 18 octobre 1748. Il faudra attendre le 11 février 1749 pour que l’évacuation des troupes espagnoles soit définitive. 

Source : Extraits d’Histoire de la Maurienne Tome 3 du chanoine Adolphe GROS, pages 5 à 14.

On retrouve la trace de cette guerre dans les registres paroissiaux d'Epierre le jour de la retraite le 29 décembre 1742 où le curé Barthélémy BIGNETTAZ enterre deux soldats de l'armée du roi de Sardaigne : le quidam d'un soldat du régiment de Montferrat du nom de guerre Tulipe, et Georges MAGNIN soldat de la paroisse de Mensy baillage de Chaumont en Chablais, groupe Pradel, appelé Belle Rose (4E 2440 vue 37/123 et 3E 316 vue 225/241).

Bien qu'originaire d'une famille de marchands aisés, le curé Barthélémy BIGNETTAZ n'a pas effectué beaucoup d'opérations financières. Je n'ai trouvé que trois actes notariés de cette nature dans le Tabellion de La Chambre : un obligation de 36 livres en 1740, une rente constituée de 72 livres en 1743 et l'acquis d'une vigne et de broussailles situés au lieu-dit au Coudray terroir d'Epierre en 1744, juste avant son décès. 

Barthélémy BIGNETTAZ fait rédiger son testament le 18 avril 1744 par le notaire d'Epierre Pierre François FAVERGEAT (1697-1778). "Affligé dans son lit de certaine maladie corporelle (...) il délivre la somme de 20 livres aux confréries du Saint Sacrement et du Saint Rosaire, item pour des réparations à faire à la Chapelle Saint Antoine érigée dans l'église pareille somme de 20 livres (...) item charge son héritier bas nommé de faire célébrer dans l'année de son décès par les Rds pères Capucins la quantité de 200 messes (...) item donne et lègue aux Rds curés ses successeurs au présent lieu la rente constituée passée en sa faveur par honnête André PÉPIN portant en capital le somme de 72 livres et celle passée par Pierre BUET de La Chapelle portant en capital la somme de 50 livres (...) item donne et lègue en fondation perpétuelle la pièce de vigne et broussailles acquis de François BOIDE (numéros 1158 et 1159 de la mappe d'Epierre) (...) item donne et lègue à la Marguerite BIGNETTAZ sa sœur femme de Joseph FORNIER de Saint-Léger la somme de 120 livres de Savoie, 6 serviettes, 6 nappes et 6 draps de bonne valeur (...) item donne et lègue à la Louise ROCCAZ sa nièce femme de Mamert BERGER la somme de 100 livres y compris 30 livres que ledit BERGER lui est débiteur (...) item donne et lègue à Jean ROCCAZ son neveu la somme de 200 livres payable lorsqu'il aura atteint l'âge de 25 ans ou lorsqu'il arrivera au saint sacrement de mariage (...) item donne et lègue aux Claudine, Marguerite et Georgine ROCCAZ ses nièces la somme de 60 livres de Savoie, payables lorsqu'elles arriveront au saint sacrement de mariage (...) item donne et lègue à la Marie FAVIER sa servante la somme de 12 livres (...) institue pour son héritier universel Me Jean BIGNETTAZ son cher frère lequel il charge d'avoir un soin paternel des enfants de Philippe ROCCAZ ses neveux et nièces ". Quatre jours plus tard, il est inhumé le 22 avril 1744 par le vicaire Philibert PORTAZ (3E 316 vue 227/271). Il décède âgé de seulement 41 ans.

 15. C. HUSTACHE (1744-

16. François VIALLET 

17. Isidore CONSTANTIN (1762-1782)

18. François MOLIN (1781-1835) 

Les carnets « retrouvés » du curé Molin 1792-1802, un prêtre dans la tourmente. Présenté par Christian Sorrel, éditions La Fontaine de Siloé, juillet 2008.  

Page 11. Épierre est un modeste village de 366 âmes en  1773 et 322 en 1783 selon les chiffres donnés par François Molin qui note dans un "questionnaire sur les paroisses " de 1805, que le "tempérament des habitants n'est pas fort et robuste, attendu que l'air se trouvant obstrué dans la gorge des montagnes les expose à des fièvres intermittentes".

 
Source : Récit de la persécution par le curé Molin, Article de Josette Limousin d'après les souvenirs de la persécution de F. Molin paru dans le bulletin de Maurienne Généalogie n°274, janvier 2021.

"Durant toute la période de construction de la nouvelle église, la paroisse est conduite par le Révérend Bochet Zacharie d'Hermillon, auparavant Recteur (curé) de Montgellafrey, puis de Saint-Rémy. Nommé à Épierre en 1837, il desservira la paroisse jusqu'en 1872, date à laquelle il démissionnera à cause de son âge avancé et de sa surdité. Il se retirera dans l'ancien presbytère jusqu'à sa mort. Il est secondé, dès le 4 septembre 1862, par le Révérend Théodore Cartier né à Montgellafrey." Site de la commune d'Epierre.

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