Le cadre de vie de Guillaume Fecemaz né à Beaune vers 1350
Dans les
Archives de Savoie on trouve une reconnaissance du 11 juin 1395 qui atteste de
l’existence de Guillaume Fecemaz. Il existe également un livre terrier
en latin de 1446 qui permet de remonter sur plusieurs générations. En comptant
approximativement 30 ans d’écart entre chaque génération, on peut avancer que Guillaume
Fecemaz est né à Beaune vers 1350, avec une marge d’erreur d’au moins une
décennie.
Le prénom Guillaume est
d’origine germanique, il procède de will « volonté »
et helm « heaume, casque,
protection » ce qui donne Wilhelm
en allemand. Le personnage qui est à l'origine de la popularité de ce prénom
est le comte de Toulouse Guilhem ou saint Guilhem de Gellone, petit-fils de
Charles Martel et cousin germain de Charlemagne, modèle du chevalier généreux
et intrépide. Peut-être faut-il voir dans le prénom de notre ancêtre une
lointaine origine burgonde ou franque. D’après l’Histoire de la Maurienne, des origines au XIVe siècle, partis des
rives de l’Oder pour chercher un établissement en Gaule, les Burgondes avaient
longtemps séjourné sur les bords du Rhin et l’Empire romain les employait pour
défendre le fleuve contre les autres Barbares. En 443, le général romain Aetius,
autorisa les Burgondes à s’établir en Sapaudia
« pays des sapins » dont dérive le nom moderne de Savoie. La
domination des Burgondes en Savoie fut de courte durée, en 534, le royaume
burgonde est anéanti par les Francs, après une lutte d’une trentaine d’années.
Les populations d’origine germanique se fondent alors avec la population
gallo-romaine et transmettent souvent leurs noms que l’on retrouve chez leurs
descendants et dans la toponymie de la Savoie.
Au niveau de la famille Fecemaz,
on peut remarquer que le prénom de Guillaume ne se transmet qu’à un arrière-petit-fils
(4e génération) né vers 1460. Ce prénom d’origine germanique est
peut-être moins utilisé avec l’influence de la religion qui conduit plus
souvent à utiliser des prénoms d’origine chrétienne comme Pierre, Jean ou
Michel. Par la suite, on trouve dans la famille encore quatre Guillaume, nés
entre 1530 et 1565. Le prénom ne se transmet qu’une seule fois au féminin avec
une Guillauma (Guillemette) née en 1669.
L’identité de la femme de
Guillaume n’est pas connue, mais le couple aurait eu deux enfants, Pierre
Fecemaz né vers 1380 et décédé avant 1446 (date de rédaction du livre
terrier) et Michel Fecemaz né vers 1390 qui est à l’origine de la branche dont
descendent tous les Fessemaz d’aujourd’hui.
Pour compléter cette présentation,
on peut préciser des éléments du cadre de vie de Guillaume Fecemaz. La date de
1350 n’est pas anodine, le milieu du XIVe siècle marque une
véritable rupture dans l’histoire de la Savoie et même de l’ensemble de
l’Europe. En effet, à partir l’an mille, se met en place la société féodale et
commence une longue période de développement économique et démographique. Elle
s’achève avec la Peste Noire et le basculement dans la grande crise séculaire
des années 1350-1450. L’étude de l’historien danois Michael Gelting, The Mountains and the Plague, 1991, publiée en anglais et en espagnol, montre
dans le cas précis de la vallée de la Maurienne et en particulier des communes
autour de Saint-Michel-de-Maurienne - dont Beaune - le cataclysme représenté
par l’arrivée de la peste en mai-juin 1348. Cette étude estime que près de la
moitié de la population de l’époque succombe à l’épidémie ! Guillaume
Fecemaz est donc un survivant de cette terrible époque.
En 1350, la Savoie est une
principauté médiévale ou le pouvoir du comte de Savoie s’exerce dans le cadre
de châtellenies divisées en métralies. Guillaume Fecemaz dépend de la métralie
de Saint-Michel-de-Maurienne, modeste bourgade de 90 feux. Habitant de la paroisse
de Beaune qui se définit par son église, il est aussi membre d’une
communauté villageoise dispersée dans les différents hameaux de la commune.
Comme l’indiqueront les documents disponibles pour les générations
postérieures, il habite certainement une modeste masure située au hameau du
Mollard. Appartenant au monde paysan, il a probablement signé une
reconnaissance envers un seigneur local qui lui permet d’exploiter des terres
en tant que tenancier. Il y pratique une agriculture de survie adaptée à des
sols situés à une altitude de 1200 m, et dispose également de quelques bêtes
élevées dans les alpages situés sur les hauteurs du col des Encombres.
La peste arrive
Venue d’Asie centrale, puis par
bateau des rives septentrionales de la mer Noire, la peste touche les ports de
la Méditerranée occidentale à l’automne 1347. Avec cette première épidémie dite
« Peste Noire », l’Europe connaît le plus grande catastrophe
sanitaire de son histoire. Par la vallée du Rhône, la Savoie est touchée à
partir du printemps 1348. (…)
En Maurienne, Michael Gelting,
grâce à une méthodologie précise et rigoureuse, a pu calculer une mortalité
« normale » (hors épidémie) de 2,5% (à comparer au moins de 1 %
d’aujourd’hui) et une mortalité spécifique (lié à la Peste de Noire) de 47,5 %
variable d’une paroisse à l’autre. De 1348 à 1350, le bourg de Saint-Michel
perd 51 % de sa population et les paroisses montagnardes de Montdenis, du Thyl,
de Beaune et d’Orelle entre 43 et 60 % des leurs.
Source : Savoie médiévale, naissance d’un espace rural, Fabrice Mouthon.
Source de la carte : La plus grande épidémie de l’histoire, L’Histoire n°310, juin 2006,
page 40.
La peste noire en Maurienne en mai-juin
1348
Saint-Michel-de-Maurienne vers 1350
Au milieu du XIVe
siècle, Saint-Michel, chef-lieu d'une des quatre métralies de Maurienne, est
une bourgade d'environ 90 feux. Dominée par la tour de Champbarlet, elle se
compose de deux noyaux affectant la forme de villages-rues: le « bourg
supérieur » dont les maisons mitoyennes se serrent dans le prolongement de
l'église et, séparé du premier par un petit ressaut rocheux, le « bourg
inférieur », nettement moins peuplé. À 5000 mètres à l'ouest, une importante
commanderie templière reste à l'écart de l'habitat. En 1321, le comte Amédée V,
son seigneur principal, avait octroyé à la petite localité des franchises assez
limitées.
D'après Michael Gelting, trois
fonctions font vivre Saint-Michel :
celle de centre administratif,
avec un modeste chef-lieu de métralie, celle de centre économique local (le
marché) et régional (les foires depuis 1266) tourné notamment vers le trafic
transalpin du bétail, enfin, la fonction d'étape, sur la route du col du
Mont-Cenis, fonction matérialisée par l'hôpital/hospice, les auberges, les maréchaux-ferrants
et la présence de transporteurs. (…)
Au milieu du XIVe
siècle, la Savoie reste donc un monde essentiellement rural. En Italie ou en
Flandres, à la même époque, aucune des premières agglomérations savoyardes
n'aurait été qualifiée de ville. Les grandes villes les plus proches sont Lyon
et Avignon, à quelques jours voire quelques heures de navigation sur le Rhône.
En Savoie, le monde urbain n'est guère porteur d'un dynamisme autonome autre
que local, mais il saisit également les opportunités offertes, soit par les
trafics extérieurs, soit par la création de l'État princier. Dans les campagnes
et les vallées, d'autres pouvoirs, issus de la paysannerie sortent, au XIIIe
et au XIVe siècle, de l'ombre documentaire.
Source : Savoie médiévale, naissance d’un espace rural, Fabrice Mouthon.
Société Savoisienne d’Histoire et
d’Archéologie, numéro 19, 2010. Extraits des pages 52 et 59.
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